GPA : que va changer (ou pas) la loi de bioéthique adoptée à l'Assemblée

GPA : que va changer (ou pas) la loi de bioéthique adoptée à l'Assemblée La Gestation pour autrui va-t-elle être autorisée en France ou reste-t-elle interdite ? Des débats sont aussi en cours sur sa reconnaissance par le droit français pour les enfants nés de GPA à l'étranger. Le point.......

[Mis à jour le 13 décembre 2019 à 17h10] C'EST DANS L'ACTU - La Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) a confirmé le 12 décembre que la France pouvait refuser la transcription légale de l'acte de naissance d'un enfant né d'une gestation pour autrui (GPA) à l'étranger, à partir du moment où la filiation avec sa mère "d'intention" pouvait être reconnue par l'adoption. Comme le précise en effet un communiqué de la CEDH, "La Cour estime que le refus des autorités françaises n'est pas disproportionné car le droit interne offre une possibilité de reconnaissance du lien de filiation entre les enfants requérants et leur mère d'intention par la voie de l'adoption de l'enfant du conjoint".

Le texte de loi bioéthique a été adopté à l'Assemblée nationale le 15 octobre dernier, en première lecture. Texte délicat et première grande réforme sociétale du quinquennat, avec sa mesure phare de la PMA pour toutes en promesse de campagne d'Emmanuel Macron, il a été voté par 359 voix contre 114 (et 72 abstentions). Un vote applaudi par la majorité. Pour qu'il soit pleinement validé, il lui reste un séjour au Sénat à effectuer en janvier prochain, pour une potentielle adoption de la loi "avant l'été", espère le gouvernement. Les élus LR (Les Républicains), en majorité défavorables à la PMA pour toutes, estiment pour la plupart que l'autorisation de ce qu'ils considèrent comme une "PMA sans père" va créer un "effet domino" vers l'ouverture de la GPA dans l'Hexagone. Le gouvernement insiste toutefois sur le fait que la gestation par autrui reste "un interdit absolu en France".

La filiation des enfants nés de GPA, un amendement finalement supprimé

Le gouvernement avait demandé à ce qu'une seconde délibération ait lieu après l'adoption de l'amendement sur la filiation des enfants nés de GPA à l'étranger, le 4 octobre dernier (voir ci-dessous). Porté par le député LREM du Rhône Jean-Louis Touraine et co-signés par douze élus de la majorité, cet amendement permettait une reconnaissance dans le droit français de la filiation des enfants nés de GPA à l'étranger. Le verdict de ce deuxième vote ? L'amendement en question a finalement été rejeté le 9 octobre, à l'issue de l'examen du projet de loi sur la bioéthique en première lecture. C'est le gouvernement qui a demandé la suppression de cet amendement. Au total, 139 députés sur les 169 présents ont voté pour la suppression de l'amendement, 23 ont voté contre et 7 se sont abstenus.

L'assemblée nationale avait voté le vendredi 4 octobre un amendement qui automatise la reconnaissance en France de la filiation d'enfants conçus via la GPA (mère porteuse) au sein d'un pays étranger où cette démarche de conception est autorisée. Mais le gouvernement, défavorable à ce texte, a donc réclamé dans la foulée une deuxième délibération. "Cet amendement consacre et étend la jurisprudence constante du tribunal de Paris", justifiait pour sa part le député LREM Jean-Louis Touraine, à l'origine du texte. A la place de la reconnaissance automatique par le droit civil français de la filiation des enfants nés à l'étranger de GPA, le gouvernement veut dorénavant simplifier la procédure d'adoption pour que les parents d'intention établissent une filiation officielle par ce biais-là avec leur enfant né de GPA. 

Examiné à l'Assemblée nationale depuis le 24 septembre dernier et pour une durée de trois semaines, le projet de loi de bioéthique concerne de nombreuses situations de la vie des Français. Sa mesure phare est celle de la PMA (Procréation médicalement assistée) pour toutes, couples de femmes et femmes célibataires compris.

Les jumelles Mennesson, un cas emblématique de filiation d'enfants nés par GPA

La cour de cassation "juge, enfin, qu'il faut transcrire complètement l'acte de naissance des jumelles Mennesson avec la mention de madame et monsieur Mennesson. C'est une victoire du droit sur la morale", estime l'avocate Caroline Mécary, spécialisée dans les dossiers de filiation, suite à la décision de la plus haute juridiction de France. Et d'ajouter : "Un grand pas vient d'être franchi". Ce vendredi, les magistrats ont en effet pris cette décision sur le cas emblématique de cette famille dont les jumelles sont nés via GPA il y a 19 ans en Californie. La cour a considéré qu'une gestation pour autrui réalisée à l'étranger "ne peut faire obstacle à la reconnaissance d'un lien de filiation avec la mère d'intention".

GPA interdite

La Gestation pour autrui (GPA) va rester interdite en France, mais une nouvelle reconnaissance de la filiation des enfants nés de GPA à l'étranger doit bientôt être actée (voir ci-dessous). Elle aurait pu s'adresser, par exemple, à deux hommes en couple et souhaitant avoir un bébé. Actuellement, les couples en ayant les moyens financiers partent pratiquer la GPA dans des pays qui l'autorisent (Pays-Bas, Belgique, Irlande, Royaume-Uni, etc.), mais également ailleurs dans le monde (Russie, Israël, Brésil, Canada, certains États des États-Unis, etc.). A leur retour, c'est le nom de la mère porteuse qui est mentionné sur l'acte de naissance étranger, à côté de celui du géniteur. Le seul moyen actuel de faire valoir ses droits parentaux est l'adoption simple pour le conjoint de même sexe, car deux parents légaux existent déjà. Comme le soulignent les Décodeurs du Monde, "la loi de bioéthique va réaffirmer l'interdiction de cette pratique [qu'est la GPA].

Concrètement, que va changer la nouvelle circulaire sur la GPA ?

Selon les informations de Franceinfo le 10 septembre dernier, le gouvernement souhaite toutefois désormais reconnaître la filiation des enfants nés d'une GPA (gestation pour autrui) à l'étranger. Des sources ministérielles ont par ailleurs indiqué à Franceinfo qu'une circulaire devait permettre à cette mesure d'entrer en vigueur dans les semaines à venir et de clarifier les conditions de cette nouvelle reconnaissance à l'état civil.

Les enfants nés d'une mère porteuse à l'étranger devraient bientôt devenir les enfants de ceux qui les élèvent ensuite, alias les "parents d'intention". Jusqu'à présent, seul l'homme ayant donné son sperme est reconnu, la mère n'ayant pas porté l'enfant étant obligée d'adopter l'enfant né de GPA (de même que l'un des deux hommes dans un couple homosexuel). Si la filiation des enfants nés de GPA doit prochainement être transcrite automatiquement dans l'état civil français *, la GPA (à ne pas confondre avec la PMA, procréation médicalement assistée), ne sera pas pour autant légalisée en France. 
Pour rappel, dans son programme présidentiel, Emmanuel Macron abordé ce cas de filiation (tout en s'opposant à la GPA en France) : "Nous assurerons que les enfants issus de la GPA nés à l'étranger voient leur filiation reconnue à l'état civil français, selon la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme", y était-il écrit.

*Cela signifie que les actes de naissance des enfants sont retranscrits dans le droit français

Loi de bioéthique

L'examen de la loi de bioéthique en commission à l'Assemblée a débuté ce mardi 10 septembre. Le gouvernement a fixé des limites à ne pas franchir sur cette fameuse loi, avant le début du débat dans l'hémicycle à partir du mardi 24 septembre prochain. Alors quelles sont les lignes rouges sur la GPA (Gestation pour autrui), aujourd'hui interdite en France ? Le gouvernement reste ferme sur l'interdiction du recours au mères porteuses en France, autrement dit à la GPA, que ce soit pour les couples hétéros ou homosexuels.

La GPA est un point d'autant plus sensible que les opposants à la PMA pour toutes estiment qu'elle mènera tôt ou tard à une légalisation de la GPA. La ministre de la santé Agnès Buzyn assurait lundi soir encore à ce sujet, lors de son audition en commission : "[la GPA] est contraire à nos principes éthiques" et "il n'y a pas lieu d'en discuter". Même son de cloche chez sa collègue de la Justice, Nicole Belloubet : "Nous sommes toujours absolument arc-boutés sur les questions de non-marchandisation du corps humain". Précision importante tout de même, souligne l'AFP ce soir : si la GPA reste "totalement prohibée" en France, le gouvernement veut mettre au clair "l'état du droit" pour les enfants français nés à l'étranger grâce à la technique de la GPA, informe ce mardi le ministère de la Justice. Ce dernier prépare actuellement une circulaire, qui tiendra compte, relate l'AFP, d'une "importante décision de la Cour de cassation, attendue à partir de fin septembre".

GPA, pour ou contre ?

Selon un sondage BVA réalisé pour L'Obs* et dont les résultats ont été publiés le 14 mars, 55 % des Français sont aujourd'hui favorables à la GPA (et 58 % à la PMA, la procréation médicalement assistée). Le taux de Français favorable au recours à une mère porteuse a ainsi augmenté de 16 % depuis 2013. A noter : sur les 55 % actuellement favorables à la GPA, 32 % disent l'être pour les couples hétérosexuels et homosexuels sans condition, et 15 % uniquement pour les couples hétérosexuels victimes d'un problème médical.

*Sondage réalisé auprès d'un échantillon de 1 019 Français, interrogés sur internet du 26 au 27 février 2018

Souvent sur le devant de la scène de l'actualité sans que tout le monde en connaisse sa définition, la gestation pour autrui est un sujet de société qui prête à débat en France. D'un côté, les opposants de la GPA, à ne pas confondre avec la PMA, souhaitent le maintien de la loi française actuelle qui interdit cette méthode de procréation. Et de l'autre côté, ses partisans ont accueilli ces dernières années la position de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) comme un motif d'espoir de voir la législation française être assouplie. Aujourd'hui, ce type de revendications peut venir aussi bien de personnes célibataires, de couples hétérosexuels ayant des problèmes de fertilité ou de couples homosexuels. Tous ont le désir d'élever un enfant et ne veulent pas être obligés d'aller à l'étranger (Belgique, Canada, États-Unis, etc.) pour avoir recours à la GPA à des prix parfois mirobolants.

En vidéo - Emmanuel Macron défend le mariage pour tous mais s'oppose à la GPA

"Emmanuel Macron défend le mariage pour tous mais s'oopose à la GPA"

Définition de la GPA

Comme son nom l'indique, la GPA est un processus de gestation (à savoir la période ayant lieu entre la fécondation de l'ovule par un spermatozoïde et la naissance d'un enfant) réalisé pour quelqu'un d'autre. En pratique, une mère porte le bébé d'un couple ou d'une personne désirant avoir un enfant mais étant dans l'incapacité de procréer. Généralement, cette mère porteuse n'a aucun lien génétique avec l'enfant, dont l'embryon est fourni par les parents dits "intentionnels", que ce soit à l'aide de leurs propres sperme et ovocytes, ou grâce à un don de gamètes.

GPA en France

Parce que la jurisprudence française considère depuis 1991 que le fait qu'une femme s'engage à porter un enfant pour l'abandonner à sa naissance s'oppose notamment au principe de l'indisponibilité du corps humain (ce dernier ne peut faire l'objet d'un contrat ou d'une convention), la GPA est interdite en France. Une loi de 1994 sur la bioéthique est ensuite venue confirmer cette interdiction, l'introduisant à l'article 16-7 du Code civil. Ainsi, les résidents français souhaitant avoir recours à la GPA doivent se rendre à l'étranger.

Selon le Code pénal, le fait de provoquer soit dans un but lucratif, soit par don, promesse, menace ou abus d'autorité, les parents ou l'un d'entre eux à abandonner un enfant né ou à naître" est passible d'une peine de 6 mois de prison et de 7 500 euros d'amende. Quant aux intermédiaires et aux mères porteuses, il risquent un an de prison et 15 000 euros d'amende.

GPA en Belgique

Si la France interdit la GPA, cette dernière est autorisée ou tolérée dans de nombreux pays européens (Belgique, Pays-Bas, Royaume-Uni, Irlande, etc.), mais également ailleurs dans le monde (Brésil, Canada, Russie, Israël, certains États des États-Unis, etc.). En Belgique, il n'existe pas de loi autorisant la GPA mais cette dernière est tolérée (y compris pour les étrangers) en raison du flou juridique entourant le sujet dans la législation belge. En revanche, la GPA "de confort", c'est-à-dire souhaitée par des personnes ne pouvant prouver médicalement leur incapacité à procréer, y est interdite.

GPA au Canada

Contrairement à ce qu'il existe en Belgique, la GPA est légalement encadrée au Canada. Depuis une loi fédérale adoptée en 2010, la législation canadienne autorise le recours à la GPA à condition que la mère porteuse présente une motivation altruiste, c'est-à-dire qu'elle ne reçoit aucune autre compensation financière que celle liée aux frais de sa grossesse. La GPA y est autorisée pour les couples hétérosexuels et homosexuels ainsi que pour les parents célibataires, qu'ils soient canadiens ou étrangers. Seule la province du Québec ne reconnaît pas le contrat de GPA, ce qui peut poser problème dans le cas d'un conflit entre les parents intentionnels et la mère porteuse.

Prix

Le prix d'une GPA varie énormément selon les pays. Il dépend tout d'abord de la législation en vigueur, puisque certains pays n'autorisent que la GPA altruiste (comme le Canada) alors que certains autres tolèrent une GPA commerciale prévoyant une rémunération en plus du défraiement des coûts de grossesse pour la mère porteuse. Il faut aussi comparer le prix du traitement de la procréation médicalement assistée, le système de santé existant, et éventuellement le tarif des conseillers juridiques et des avocats. De manière générale, il faut prévoir entre 30 000 et 150 000 € pour avoir recours à la GPA.

GPA et Cour européenne des droits de l'homme

En juin 2014, la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) avait indiqué dans un jugement que la France ne pouvait refuser de reconnaître les enfants nés d'une mère porteuse à l'étranger, et ce, malgré l'interdiction législative existant au sujet du recours à la GPA sur le sol français. Depuis, la CEDH a condamné deux nouvelles fois la France, en juillet 2016 et janvier 2017, lors de quatre affaires similaires, pour avoir refusé de transcrire les actes de naissance d'enfants nés d'une GPA effectuée à l'étranger.

"Circulaire Taubira"

En 2013 en France, la ministre de la Justice de l'époque, Christiane Taubira, avait rédigé une circulaire, datée du 25 janvier, qui demandait la délivrance d'un certificat de nationalité française pour tous les enfants nés à partir d'une GPA réalisée hors des frontières de la France. Si des parlementaires de l'opposition et des associations avaient alors attaqué cette circulaire devant le Conseil d'Etat, ce dernier les avait déboutés, confirmant que la France allait devoir suivre la jurisprudence de la CEDH.

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