François Hollande : des mots acerbes, signes d'une détestation grandissante pour Macron

François Hollande : des mots acerbes, signes d'une détestation grandissante pour Macron FRANCOIS HOLLANDE. Alors que François Hollande est invité à la cérémonie d'investiture d'Emmanuel Macron ce samedi 7 mai 2022, la relation de l'ancien et de l'actuel locataires de l'Elysée est plus que jamais tendue...

François Hollande de retour à l'Elysée. Cinq ans après la fin moribonde de son mandat, l'ancien chef de l'Etat, qui avait renoncé lui même à se présenter en 2017, est des invités à la seconde cérémonie d'investiture d'Emmanuel Macron, ce samedi 7 mai 2022. Chaque mot et chaque geste de François Hollande seront de nouveau scrutés lors de cette cérémonie, le socialiste, qui a récusé le récent accord du PS avec LFI, considérant l'actuel président de la République comme un des responsables de la mort de sa famille politique et cultivant encore et toujours une rancoeur tenace contre son ancien protégé. François Hollande a encore récemment pointé les manquements d'Emmanuel Macron lors d'une interview à la chaîne américaine CNN.

Dans cet entretien diffusé le 28 avril 2022, François Hollande reconnaît qu'Emmanuel Macron est "intelligent" et capable de prendre des "décisions audacieuses". Mais il lui reproche de ne pas avoir "réussi à bâtir une force politique derrière lui" et de n'avoir pas "réussi à asseoir son autorité sur un parti particulier". Pire : selon François Hollande, "la situation en France est bien plus fragile" que ce que peut laisser imaginer la réélection d'Emmanuel Macron fin avril. "Le centre droit, celui de Charles de Gaulle et de Jacques Chirac, et la gauche de François Mitterrand, de Lionel Jospin et de moi-même, ont volé en éclats. Ce qui veut dire que les extrêmes sont les seules alternatives à Emmanuel Macron", analyse l'ancien président socialiste, reprochant à Emmanuel Macron à demi-mots d'avoir tout fait pour annihiler les partis de gouvernement afin d'affronter l'extrême droite en 2022 pour assurer sa réélection : "A moins que les partis traditionnels ne se reconstruisent, le risque que l'extrême droite arrive au pouvoir est réel" désormais selon lui.

La relation de François Hollande et Emmanuel Macron est le résultat d'une trahison politique quasi unique et presque historique dans la Ve République. Travaillant dès 2012 pour le président socialiste fraîchement élu, en tant que secrétaire général adjoint de l'Elysée, Emmanuel Macron va nouer une "relation quasi-filiale" avec François Hollande. La suite est aujourd'hui connue : pendant que le chef de l'Etat et son entourage vont contribuer à l'ascension d'Emmanuel Macron, louant ses qualités et l'incluant dans les dossiers les plus sensibles, ce dernier va finalement réussir, en quelques mois, "le coup du siècle" en préparant sa campagne pour la présidentielle 2017.

François Hollande restera longtemps aveugle, à la fois subjugué et confiant envers son dauphin, comme l'ont notamment expliqué Gérard Davet et Fabrice Lhomme dans l'ouvrage Le traître et le néant (Fayard, 2021). Manuel Valls, Premier ministre jusqu'en décembre 2016, aura quant à lui compris beaucoup plus tôt les ambitions et l'impatience d'Emmanuel Macron. Las, le retournement sera spectaculaire. Quand il devient ministre de l'Economie, de l'Industrie et du Numérique à partir de l'été 2014,  Emmanuel Macron est encore une pièce maîtresse de la Hollandie. Mais, deux ans plus tard, le 30 août 2016, c'est le grand revirement : il démissionne de Bercy dans le but de faire grandir son mouvement tout juste lancé, En Marche!.

Pour François Hollande, c'est déjà trop tard : Emmanuel Macron se déclare candidat à l'élection présidentielle mi-novembre, après une séquence de faux suspense. La président de la République sortant, impopulaire et acculé, renonce quelques jours plus tard et le jeune ministre ambitieux est élu après une campagne qu'il aura presque survolée, sous la bannière de son nouveau parti. Une formation centriste penchant déjà de plus en plus vers la droite.

La victoire d'Emmanuel Macron va apparaître comme un véritable camouflet voire un traumatisme pour François Hollande, qui ne pourra que se raccrocher aux branches et se vanter d'avoir ouvert la voie à son ancien protégé. Les premiers jours du quinquennat, lors de la transition, il affichera une attitude bienveillante, protectrice, quasi-paternaliste. Attitude qui va vite laisser place à une animosité grandissante. Les interventions critiques, désapprobatrices, voire cinglantes de François Hollande vis-à-vis d'Emmanuel Macron se sont faites de plus en plus récurrentes, à travers des prises de parole dans les médias ou dans ses livres. 

D'abord en privé mais très vite publiquement, François Hollande va changer son discours sur Emmanuel Macron et multiplier les piques contre son successeur. Ces dernières années, il aura, à de très nombreuses reprises, fait part de son scepticisme quant au mode de gouvernance et aux décisions d'Emmanuel Macron. Il qualifiait même ce dernier d'une "espèce de choix par défaut" à cause du "manque d'alternative" lors de son Grand entretien avec France Inter le 20 octobre 2021. Si François Hollande reconnaissait le "pragmatisme" de son successeur, il déplorait aussi son "manque de doctrine". "Un pays a besoin d'avoir un sens, une vision", insistait l'ancien chef de l'Etat.

Dans Affronter, publié aux Editions Stock en 2021, François Hollande écrivait : "il m'est apparu que le dialogue social ne figurait ni dans les priorités ni dans les méthodes de réforme d'Emmanuel Macron". Dans cet ouvrage très transparent, il avouait ne "toujours pas savoir" à quoi le représentant de LREM "croit quatre ans après", regrettant son manque d'idéologie fixe, de rêve politique : "il change selon la couleur du ciel". Puis, l'ancien président a eu quelques mots pour le bilan réformateur d'Emmanuel Macron, jugé "d'une rare minceur", ainsi que pour ses responsabilités : "c'est un président qui a déchiré les Français".

Dans ce livre, François Hollande représente Emmanuel Macron comme un "le porte-étendard d'une technocratie souvent ignorante de la vie réelle des Français". Ce type de confession est devenue une habitude pour François Hollande, lui qui avait abordé le thème de la trahison d'Emmanuel Macron dans son précédent livre, Leçons du pouvoir, publié en 2018 et vendu à plus de 120 000 exemplaires en grand format.

François Hollande a appelé à voter Emmanuel Macron

Malgré ces différends, François Hollande ne se fait pas ouvertement l'ennemi d'Emmanuel Macron. Quelques jours avant la tenue du second tour de l'élection présidentielle de 2022, il a officiellement appelé les Français à voter Macron lors de son passage au 20 heures de TF1. Il avait justifié ce choix au nom de la "cohésion de la France", de "son avenir européen et de son indépendance". L'importance pour lui était de faire barrage à la candidature de Marine Le Pen, elle qui, selon lui, aurait "remis en cause nos principes et nos valeurs". Ironie de l'histoire : quelques jours avant ce soutien de François Hollande, Nicolas Sarkozy, qui fut son adversaire pendant de longues années, avait fait de même, suscitant de vives réactions dans le camp des Républicains. 

François Hollande ne pourra que constater après cette élection la mort du Parti socialiste : après l'heure des défections de 2016 à 2020, vint le manque de moyens lié aux défaites lors des élections intermédiaires. La mobilisation des électeurs socialistes s'est brutalement réduite, avec un vote passé de 26,38% des voix au premier tour et à 51,64% au second tour de 2012 pour François Hollande, à seulement 6,36% en 2017 pour Benoît Hamon, jusqu'à tomber sous la barre des 2% avec la candidature de la maire de Paris Anne Hidalgo en 2022.

François Hollande adhère au PS en 1979. Il est d'abord conseiller de François Mitterrand, puis chargé de mission pour les questions économiques. A partir de 1983, il enchaîne les mandats locaux (en Corrèze en Limousin) et parlementaires. En 1994, il devient notamment premier secrétaire et porte-parole du PS. En tant que député européen, il se dit favorable en 2002 à la Constitution européenne, s'opposant ainsi au numéro 2 du Parti, Laurent Fabius. Dès lors, le PS apparaît divisé aux yeux des français. Lors de l'élection présidentielle de 2007, il choisit de s'effacer au profit de sa compagne Ségolène Royal. En revanche, l'élection présidentielle de 2012 le propulsera au devant de la scène, puisqu'à l'issue de la primaire citoyenne, il a été désigné candidat du PS.

Le 15 mai 2012, François Hollande devient le 24e Président de la République. Il obtient 28,63% des voix au premier tour puis 51,64% des suffrages face au président sortant Nicolas Sarkozy. Il nomme pour premier ministre Jean-Marc Ayrault. La cote de popularité du président baisse au fil des mois, passant sous la barre des 20% en janvier 2014. Lors du remaniement annoncé après la défaite du parti socialiste aux élections municipales de la même année, François Hollande décide d’élire Manuel Valls à la tête du nouveau gouvernement. Le 7 mai 2017, Emmanuel Macron lui succède à la tête de la présidence de la République française.

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