Assaut du Capitole : des images surréalistes, le comportement de Trump mis en cause

Assaut du Capitole : des images surréalistes, le comportement de Trump mis en cause USA. Quelques jours après les graves incidents au Capitole, à Washington, les interrogations sur la sécurité lors de l'investiture de Joe Biden, le 20 janvier, sont nombreuses.

Depuis trois jours et l'invasion du Capitole par des pro-Trump alors que le Congrès devait valider la victoire de Joe Biden lors de la présidentielle américaine de novembre, la tension ne redescend pas aux États-Unis. En témoignent les derniers rebondissements en date. Au lendemain de l'envahissement du Capitole par ses sympathisants, Donald Trump s'est dit "scandalisé par la violence" et a appelé à la "réconciliation", assurant vouloir une transition "sans accrocs" avec son successeur Joe Biden. Mais ce vendredi, nouveau coup d'éclat du 45e président des États-Unis. Donald Trump a annoncé dans un tweet pour le moins laconique qu'il ne serait pas présent à la prestation de serment de son ancien concurrent démocrate à la présidentielle et désormais président-élu Joe Biden. "À tous ceux qui ont demandé, je n'assisterai pas à la prestation de serment le 20 janvier", a-t-il informé.

Parallèlement, c'est une Nancy Pelosi, cheffe des démocrates au Congrès américain, plus remontée que jamais qui s'est exprimée ce 8 janvier. Alors que la passation de pouvoir s'annonce aussi historique que chaotique, cette dernière a annoncé avoir pris les devants en s'entretenant directement avec l'armée américaine. L'objectif ? S'assurer que Donald Trump, qu'elle n'a pas hésité à qualifier de "président déséquilibré" et "instable", "ne lance des hostilités militaires ou accède aux codes de lancement et ordonne une frappe nucléaire". Elle a par ailleurs promis que le Congrès agirait dans le cas où Donald Trump refuserait de quitter "de façon imminente et volontairement" la Maison-Blanche. Pour rappel, la passation de pouvoir est prévue dans moins d'une semaine, le 20 janvier.

Le Capitole envahi, cinq morts et des tensions toujours palpables

Le temps d'un après-midi ce mercredi 6 janvier, les États-Unis ont donné à voir un spectacle que d'aucuns qualifieraient d'indigne pour l'une des plus grandes démocraties du monde. Pendant plusieurs heures, le Capitole est passé de haut lieu de la vie démocratique américaine à théâtre d'affrontements entre des forces de l'ordre dépassées et des militants pro-Donald Trump qui se sont saisis des lieux - investissant même certains bureaux d'élus - et faisant fi de la "loi et l'ordre" chères à leur président. Tout cela au nom de l'injustice, selon eux, que représentait l'officialisation de la victoire de Joe Biden par le Congrès.

Ces violences, au-delà de leur aspect très symbolique, se sont conclues avec un bilan lourd. Cinq personnes sont décédées et au total, 90 interpellations ont été occasionnées. Vendredi, un porte-parole du procureur fédéral a annoncé que 15 personnes ont été inculpées. Si le calme est revenu et le vote est allé à son terme, la tension est toujours palpable à Washington, où l'état d'urgence a été prolongé jusqu'au 21 janvier par la maire démocrate de la capitale fédérale, Muriel Bowser.

6 000 réservistes de la Garde nationale en renfort

Un choix de date qui ne laisse guère place au doute : l'investiture du président-élu qui se tiendra la veille concentre bien des inquiétudes quant à la sécurité de l'événement, qui a traditionnellement lieu... devant le Capitole. Ce n'est d'ailleurs pas un secret, Roy Blunt, sénateur républicain mais aussi responsable de l'organisation de la cérémonie, a prévu un "examen en profondeur" du dispositif en place d'ici au jour-J.

La sécurité de cet "Inauguration Day", déjà habituellement très conséquente, a quoi qu'il arrive déjà été renforcée, comme le souligne Le Figaro, avec le renfort de 6 000 réservistes de la Garde nationale venus des différents Etats voisins, en plus d'une barrière de deux mètres de haut érigée devant le Capitole. La première journée de Joe Biden en tant que président des Etats-Unis s'annonce donc mouvementée, mais elle l'avait été également pour Donald Trump. L'arrivée au pouvoir du républicain, le 20 janvier 2017, avait occasionné des manifestations et des violences obligeant la police à faire usage de la force.

En savoir plus

Le déroulé des faits à Washington

  • Dans la matinée ce mercredi 6 janvier 2021, alors que le Congrès devait valider la victoire de Joe Biden lors de la présidentielle américaine de novembre, des milliers de partisans de Donald Trump ont afflué vers vers Washington pour contester le résultat de l'élection, à l'appel du président sortant.
  • Vers midi (heure de Washington, 18h en France), Donald Trump prend la parole depuis une esplanade proche de la Maison Blanche. Son discours galvanise des militants déjà chauffés à blanc. Une partie d'entre-eux prend le chemin du Capitole, à quelques encablures, où se situe le Parlement américain.
  • Vers 13h10, des manifestants font tomber les barricades érigées devant l'aile Ouest du Capitole et avancent vers le bâtiment où se tient la session du Congrès.
  • Vers 14h15, des protestataires pénètrent dans l'enceinte du Capitole.
  • Vers 14h30, les premières vidéos montrent des partisans pro-Trump à l'intérieur du bâtiment, avec des drapeaux américains et confédérés. Les sénateurs sont évacués.
  • Vers 14h45, de l'autre côté du bâtiment, dans la chambre des représentants, les policiers, armes à la main, tentent d'empêcher des manifestants massés devant la porte d'entrer. Des élus sont aperçus nichés sous les travées du Parlement pour se mettre à l'abri.
  • Vers 15h, les manifestants ont réussi à pénétrer dans la chambre du Sénat. de nombreuses images circulent immédiatement sur les réseaux sociaux.
  • Vers 18h (minuit en France) les forces de l'ordre et la Garde nationale, déployées, reprennent le contrôle du Capitole. Le processus de certification reprendra dans la soirée.
  • Vers 3h30 du matin jeudi (9h30) en France, la victoire de Joe Biden à la présidentielle est certifiée par le Congrès.

Sipa

Les images du Capitole assiégé

Le bilan : cinq morts

Une femme a été mortellement blessée dans le Capitole par un tir de la police de Washington. Cette résidente du sud de la Californie s'appelait Ashli Babbitt et était une ardente partisane du président Donald Trump. Une enquête a été ouverte pour éclaircir les circonstances du drame. Trois autres personnes ont perdu la vie dans le secteur de la colline du Capitole. Vendredi, un policier blessé a quant à lui succombé à ses blessures. Enfin, au moins une vingtaine de personnes ont également été blessées, une centaine interpellées et 15 personnes inculpées vendredi.

Le maire de Washington a annoncé dans un communiqué la mise en place d'un couvre-feu à partir de 18 heures dans la ville (minuit en France). L'idée étant, non pas de lutter contre le coronavirus, mais bien d'éviter d'éventuels échauffourées nocturnes. Après une annonce de la Maison-Blanche en milieu de soirée, des militaires de la Garde nationale ont été envoyés à Washington pour rétablir le calme après plusieurs heures d'extrême tension. L'état d'urgence sera prolongé durant deux semaines.

La session du Congrès interrompue

Selon la Constitution américaine, le Congrès devait valider ce mercredi 6 janvier le résultat de l'élection présidentielle du 3 novembre dernier, en reconnaissant les certificats envoyés par chacun des 50 Etats américains pour transmettre les votes de leurs grands électeurs. C'était au vice-président américain, en l'occurrence le trumpiste Mike Pence, d'"ouvrir" ces certificats. Sous pression de Donald Trump, ce dernier a cependant décidé de ne pas entraver la procédure. Dans une lettre publiée en amont de la session du Congrès, il a clairement expliqué que les "contraintes" de la Constitution ne lui permettaient pas de modifier les résultats du scrutin du 3 novembre, tels que transmis par les Etats. Avant que les débats ne sombrent dans la confusion, il avait donc bien commencé à présider la session conjointe de la Chambre des représentants et du Sénat qui devait officialiser le vote de 306 grands électeurs en faveur de Joe Biden contre 232 pour Donald Trump. Lors de cette session du Congrès américain, certains élus peuvent légalement contester les résultats de la présidentielle dans certains Etats. Mais cette démarche, si elle peut faire durer les débats, n'avait aucune chance d'aboutir à une annulation de l'élection de Joe Biden.

Face aux heurts, le Congrès a interrompu la séance pendant plusieurs heures avant de la reprendre au beau milieu de la nuit (en France), en rejetant, au Sénat puis à la Chambre des représentants, les objections d'élus républicains visant les résultats dans l'Etat de l'Arizona. Mais les débats prenaient de nouveau du retard, des élus républicains exigeant d'examiner la régularité de l'élection en Pennsylvanie. La victoire de Joe Biden a finalement été entérinée vers 3h30 du matin à Washington ce jeudi 7 janvier, soit 9h30 en France. Comme le veut la Constitution des Etats-Unis, c'est le vice-président Mike Pence lui-même qui a certifié le résultat du vote.

Le discours incendiaire de Donald Trump...

A la mi-journée ce mercredi (en début de soirée en France), Donald Trump a tenu un discours incendiaire devant des dizaines de milliers de ses supporteurs réunis à Washington, considéré par la presse américaine comme un déclencheur. Refusant toujours de concéder sa défaite, il a appelé ses partisans à protester contre la certification par les élus du Congrès de la victoire de son opposant démocrate, plus de deux mois après l'élection présidentielle. Dans son discours, prononcé quelques heures avant les incidents dans un endroit proche de la Maison Blanche, il a fustigé les ténors républicains ayant reconnu sa défaite, les qualifiant de "faibles" et "pathétiques". "Nous n'abandonnerons jamais. Nous ne concéderons jamais" la défaite, a-t-il martelé, poussant explicitement ses partisans à marcher sur le Capitole.

Sur Twitter, le 45e président des États-Unis a par ailleurs estimé que "Mike Pence n'a pas eu le courage de faire ce qui aurait dû être fait pour protéger notre pays et notre Constitution, donnant aux États-Unis la chance de certifier un ensemble corrigé de faits, et non les faits frauduleux ou inexacts qu'on leur a demandé de certifier précédemment". Et de s'exclamer :  "Les USA exigent la vérité !" Sa fille Ivanka Trump a plus tard qualifié les émeutiers de "patriotes américains" sur Twitter, avant d'effacer son tweet.

... suivi d'un appel au calme ambigu

"Je demande à tous au Capitole américain de rester pacifiques. Pas de violence ! N'oubliez pas que NOUS sommes le Parti de la loi et de l'ordre – respectez la loi et nos grands hommes et femmes en bleu. Merci !", a finalement tweeté Donald Trump, peu après 15 heures (21 heures, heure française). Il a ensuite posté une vidéo appelant au calme, tout en répétant que l'élection lui a été "volée". "C'était un raz-de-marée électoral, tout le monde le sait, surtout l'autre camp, mais vous devez rentrer à la maison, nous devons avoir la paix, nous devons avoir la loi et l'ordre, nous devons respecter nos super représentants de la loi et l'ordre, nous ne voulons pas de blessés", a-t-il déclaré. "C'était une élection frauduleuse, mais nous ne pouvons pas faire le jeu de ces gens. Nous devons avoir la paix. Donc rentrez chez vous, nous vous aimons. Vous êtes très spéciaux. Vous avez vu ce qui s'est passé. Vous avez vu la façon dont les gens sont traités, ils sont si mauvais et si diaboliques. Mais rentrez chez vous et rentrez en paix", a-t-il répété. Twitter et Facebook ont ensuite suspendu les comptes du 45e président américain rendant ces messages inaccessibles.

La réaction de Joe Biden

Sur les coups de 16h (22h, heure française), le nouveau président élu, Joe Biden, a lui aussi pris la parole pour dénoncer ce qui est pour lui, l'œuvre "d'un petit nombre d'extrémistes qui ne respectent pas le droit". "C'est quasiment de la sédition et cela doit s'arrêter maintenant", a-t-il estimé, invitant la foule à "s'arrêter". Par ailleurs, Joe Biden a tenu à rappeler, comme un message directement adressé à Donald Trump, que "les mots prononcés par un président ont de l'importance, qu'il soit bon ou mauvais". Celui qui emménagera à la Maison-Blanche le 20 janvier a donc appelé Donald Trump à aller s'exprimer à la télévision nationale pour honorer son serment, défendre la constitution et exiger que l'on mette fin à ce siège. Et Joe Biden de déplorer : "Imaginez ce que peut penser le reste du monde en regardant la télévision. Nous sommes tellement meilleurs que ce que nous avons vu aujourd'hui."

Tandis que les commentaires se multipliaient, l'OTAN, par le biais de son chef Jens Stoltenberg, a de son côté dénoncé des scènes choquantes et rappelé que "le résultat de cette élection démocratique doit être respecté". La France, via le ministère des Affaires étrangères, a également réagi mercredi soir, condamnant "une atteinte grave contre la démocratie". Berlin, au travers de son ministre des Affaires étrangères Heiko Maas, a pour sa part pressé les partisans de Donald Trump de "cesser de piétiner la démocratie". Quant au Premier ministre britannique, Boris Johnson, il a dénoncé sur Twitter des "scènes honteuses". Et de renchérir : "Il est désormais vital que le transfert de pouvoir se fasse de manière pacifique et ordonnée."

Les démocrates majoritaires au Congrès

Parallèlement, ce mercredi 6 janvier 2021 a également été marqué par la victoire du candidat démocrate Raphael Warnock en Géorgie face à la sénatrice républicaine Kelly Loeffler. Raphael Warnock est ainsi entré dans l'histoire en devenant le premier sénateur noir élu dans cet État du Sud. Plus tard dans la soirée (en France), le second démocrate en lice, Jon Ossoff, a créé la surprise face au républicain David Perdue. Avec ces deux victoires, le clan Biden s'est assuré le contrôle du Sénat, et avec du Congrès, la Chambre des représentants étant déjà démocrate.

Dans les faits, les démocrates auront 50 sièges au Sénat, soit le même nombre que les républicains. Cependant, la Constitution prévoit qu'en cas d'égalité, la vice-présidente, Kamala Harris, aura le pouvoir de trancher. Quoi qu'il en soit, Joe Biden pourra de ce fait imprimer de manière plus profonde sa politique sans devoir se plier à une opposition trop puissante.

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