Platini en garde à vue : une réunion avec Sarkozy au coeur des soupçons ?

Platini en garde à vue : une réunion avec Sarkozy au coeur des soupçons ? Selon les informations de Mediapart, l'ancien ballon d'or Michel Platini aurait été placé en garde à vue ce mardi 18 juin.

[Mis à jour le 18 juin 2019 à 12h33] Selon Mediapart, Michel Platini a été placé en garde à vue ce mardi 18 juin. Il serait entendu dans les locaux de l'Office anticorruption de la police judiciaire à Nanterre, dans le cadre de l'enquête pour corruption sur l'attribution de la Coupe du Monde au Qatar en 2022. Selon l’Équipe, il s'est rendu à l'OCLCIFF, assisté de son avocat Me William Bourdon après avoir été convoqué comme témoin. C'est à son arrivée qu'on lui a signifié son placement en garde à vue.

Ancien président de l'UEFA, ex-capitaine de l'équipe de France de football, et ancien ballon d'or, Michel Platini est considéré comme suspect dans cette affaire depuis plusieurs années. Il avait déjà été interrogé aux côtés d'autres témoins. L'attribution de l'organisation de cette compétition au Qatar, mais aussi du précédent mondial en Russie font en effet depuis 2010 l'objet de soupçons et d'investigations.

Michel Platini en garde à vue : résumé de l'affaire

Pourquoi Michel Platini est-il particulièrement visé dans cette affaire ? En 2013, France Football et So Foot évoquaient une réunion organisée à l'Élysée en novembre 2010, une dizaine de jours avant le vote de la FIFA. Celle-ci aurait rassemblé Nicolas Sarkozy, alors président de la République, le prince du Qatar Tamim ben Hamad al-Thani, Michel Platini, alors président de l'UEFA, et Sébastien Bazin, représentant de "Colony Capital" alors propriétaire du PSG. "Au cours de cette réunion, il a tour à tour été question du rachat du PSG par les Qataris [devenu effectif en juin 2011], d'une montée de leur actionnariat au sein du groupe Lagardère, de la création d'une chaîne de sport [la future BeIn sports] pour concurrencer Canal+ - que Sarkozy voulait fragiliser -, le tout en échange d'une promesse : que Platini (président de l'UEFA) ne donne pas sa voix aux États-Unis, comme il l'avait envisagé, mais au Qatar" écrivait l'hebdomadaire France Football. Sepp Blatter, président du comité d'éthique sur les conditions d'attribution, avait déclaré au journal allemand Die Zeit que des chefs de gouvernement européens avaient invité à voter pour le Qatar en raison d'intérêts économiques. Michel Platini avait à l'époque démenti ou minimisé ces informations.

Sepp Blatter s'était à nouveau exprimé en 2018 pour accuser la Qatar et Michel Platini. Il avait réagi à une enquête du journal britannique le Sunday Times qui affirmait que le Qatar avait mené une campagne secrète de propagande à base d'"opérations noires". "Mauvaise nouvelle : le Qatar est accusé d'avoir dénigré les autres candidatures. Le fait est que le Qatar a gagné après l'intervention politique de l'ancien président français Sarkozy auprès du vice-président de la Fifa Platini" avait écrit Sepp Blatter sur Twitter. Des allégations démenties par le comité d'organisation du Mondial 2022.

Michel Platini, Nicolas Sarkozy... qui est ciblé dans le "Qatargate" ?

Sophie Dion, une ancienne conseillère de Nicolas Sarkozy a également été mise en garde à vue dans le cadre de cette enquête menée par le Parquet National Financier "visant des faits présumés de corruption active et passive de personne n'exerçant pas de fonction publique" rapporte Le Monde. L'ancienne députée entretient des liens privilégiés avec le Qatar : vice-présidente du groupe d'amitié France-Qatar à l'Assemblée nationale, présidente de la chaire sur "L'éthique et la sécurité dans le sport" à l'université Paris-I-Panthéon-Sorbonne financée par une fondation de droit qatarien approvisionnée par l'émirat. Claude Guéant, ancien secrétaire général de l'Élysée durant la présidence de Nicolas Sarkozy, serait également auditionné en tant que "suspect libre". 

D'après les archives de l'Elysée consultées par le Monde, tous deux avaient également assisté à la réunion entre Nicolas Sarkozy, Michel Platini, et le prince qatari. Cette réunion est au cœur des soupçons de collusions depuis maintenant neuf ans. En 2017, Nicolas Sarkozy a également rejoint le conseil d'administration du groupe Accor, dont Sébastien Bazin est le PDG. En février 2019, le groupe est devenu le sponsor présent sur le maillot du PSG. L'ancien chef de l'Etat s'était également félicité de l'attribution de la Coupe du Monde au Qatar en 2012, lors du forum "Doha Goals" organisé dans le pays par le mari de son ex-épouse Cécilia. Aujourd'hui, les liens entre les gouvernements français et qataris se poursuivent avec la signature en mars d'un accord de coopération entre les deux pays autour de la sécurité du Mondial 2022.

Michel Platini et la Coupe du monde 2022

Si les soupçons de corruption sont forts sur l'attribution de la Coupe du Monde 2022, c'est que le choix du Qatar fait polémique. Tout d'abord, des questions se sont posées quant à l'attribution de la compétition à un pays n'ayant jamais envoyé d'équipe nationale lors des précédentes éditions. La question du calendrier s'est également posée. Dans un pays aux températures estivales atteignant les 50°C, il était selon Sepp Blatter impossible de faire jouer les matches lors de la période classique de juin-juillet, malgré les réticences des diffuseurs et des annonceurs à tenir la compétition à un autre moment. Des problématiques écologiques avaient également été soulevées lorsque les hypothèses de gigantesques stades climatisés voire de "nuages artificiels" avaient été évoquées. Enfin, le contexte socio-politique du pays a suscité de l'indignation. Le Monde et le quotidien anglais the Guardian ont par exemple pointé des conditions de travail très difficiles, proche de "l'esclavage moderne" pour les ouvriers participant à la construction des stades, pour beaucoup des travailleurs immigrés. Si les soupçons de corruption sont définitivement avérés avant le départ de la Coupe du monde en novembre 2022, l'image du Qatar et du tournoi pourrait à nouveau perdre en crédibilité.