Jeanne de Belleville : la tigresse bretonne devenue pirate

Jeanne de Belleville : la tigresse bretonne devenue pirate Surnommée "la Tigresse bretonne", Jeanne de Belleville est une noble dame du XIVe siècle. Durant quelques mois, elle harcèle les navires du roi de France suite à l'exécution sommaire de son mari.

Biographie courte de Jeanne de Belleville

Née vers 1300, Jeanne de Belleville grandit au sein d'une famille noble et fortunée. Mariée une première fois vers l'âge de 12 ans, son mari décède quelques années plus tard. Elle épouse l'élu de son cœur, Olivier IV de Clisson, noble breton et grand commerçant, avec qui elle a cinq enfants. Sa vie est bouleversée en 1643 lorsque son mari est exécuté sur ordre du roi de France, dans un contexte de conflit de succession en Bretagne et de tensions avec le roi d'Angleterre. Jeanne prend les armes et attaque les partisans bretons du roi avant d'embarquer en mer et d'harceler les navires marchands de Philippe VI de Valois. Sur le point d'être capturée, Jeanne la pirate trouve une chaloupe qui dérive pendant des jours. Son fils le plus jeune décède, mais le canot parvient à rejoindre la côte. Elle trouve refuge en Angleterre avec sa famille et participe activement aux réunions décisionnelles concernant la Bretagne. Elle épouse Sire Walter de Bentley, lieutenant du roi, ce qui lui permet de récupérer ses terres en France et d'en acquérir de nouvelles. Jeanne de Belleville meurt en 1359, probablement en Angleterre, en dame respectée, admirée et puissante. 

La jeunesse de Jeanne de Belleville et son mariage heureux

Jeanne de Belleville naît aux alentours de l'an 1300 à Belleville-sur-Vie, dans le Poitou (actuelle Vendée), et grandit au sein d'une famille noble. Ses parents sont Létice de Parthenay et Maurice IV de Montaigu, seigneur de Belleville et de Palluau. Fille unique, elle est l'héritière d'une grande fortune tirée du commerce du sel. Elle est mariée très jeune à un noble breton fortuné, Geoffroy, seigneur de Châteaubriant qui meurt en 1326. Mais Jeanne de Belleville entretient une liaison avec Olivier IV de Clisson, noble breton et grand commerçant, avec qui elle a une première fille illégitime, Ysabeau, morte en bas âge. Olivier de Clisson devient à son tour veuf et le couple se marie en 1330. Devenue Jeanne de Clisson, elle intègre ainsi l'une des familles les plus importantes de la Bretagne médiévale. Ce mariage d'amour donne naissance à quatre autres enfants : Maurice, Guillaume, Olivier (futur connétable de France) et Jeanne. Son époux lui laisse une grande autonomie, elle administre elle-même ses différents domaines comme Noirmoutier ou l'Île d'Yeu. Elle cherche à limiter la violence sexuelle sur ses terres en encourageant la création de bordels à Nantes. Elle est décrite comme très belle, mince et sportive. Le couple administre un vaste territoire, représentant plus ou moins la Loire-Atlantique actuelle. 

Exécution d'Olivier de Clisson lors de la guerre de Succession en Bretagne

Olivier IV de Clisson, époux de Jeanne de Belleville, accusé de haute trahison puis décapité à Paris le 12 août 1343 sur ordre du roi français Philippe VI © MARY EVANS/SIPA (publiée le 14/04/2022)

Le XIVe siècle est marqué par le début de la Guerre de Cent Ans en 1337 opposant la France à l'Angleterre mais également par le conflit de succession autour du duché de Bretagne. Deux prétendants se disputent le duché, Jean de Montfort, demi-frère du défunt, et Jeanne de Penthièvre, sa nièce et épouse de Charles de Blois, neveu du roi de France. Par conséquent, elle est soutenue par le souverain français tandis que Jean de Monfort s'allie à Édouard III d'Angleterre, rival du roi de France. L'époux de Jeanne de Clisson décide de soutenir les prétentions du clan de Blois-Penthièvre.

Olivier de Clisson est fait prisonnier par les anglais en 1342 à l'occasion du siège de Vannes puis libéré contre une faible rançon, ce qui lui vaut d'être soupçonné d'avoir fraternisé avec l'ennemi. Il tombe en disgrâce aux yeux du roi Philippe VI de Valois. Convié à un grand tournoi organisé en l'honneur du mariage du fils du roi de France, il est accusé de haute trahison pendant les festivités. Le 2 août 1343, Olivier de Clisson est condamné à mort sans procès. Humilié, décapité et pendu, le seigneur de Clisson voit sa tête exhibée au-dessus de la porte Sauve-Tout, sur le mur d'enceinte de la ville de Nantes. La mort à la fois tragique et violente de son mari éprouve Jeanne de Belleville. Ivre de rage, elle se rend néanmoins à Nantes afin de montrer à ses fils, Olivier et Guillaume, le sort cruel réservé à leur père. Aux côtés de ses enfants, Jeanne de Belleville jure de se venger du roi de France et de massacrer ses partisans. Ainsi naît la légende de la tigresse ou de la lionne bretonne.

De tigresse bretonne impitoyable à femme pirate du Moyen-Âge

Jeanne de Belleville récupère la tête de son époux en la remplaçant par une autre. Elle s'habille en homme, mobilise toute sa fortune et se destine à la guerre. Elle rallie à sa cause plusieurs seigneurs, chevaliers bretons et même des marins. Elle sait naviguer, possède une certaine autorité naturelle, mais surtout son mari était apprécié et les bretons sont indignés par cette exécution sommaire. Elle entame alors une série d'expéditions punitives contre les seigneurs bretons fidèles au roi de France. Elle pille et décime les habitants de nombreux châteaux. Toutefois, Philippe VI ne peut intervenir à cause de la Trêve de Malestroit signée avec le roi d'Angleterre dans le cadre de la Guerre de Cent Ans. Le roi de France préfère donc confisquer les biens de Jeanne et la bannir de ses terres. Pour chaque exaction de sa part, il exécute un à un les bannerets de Jeanne.

Jeanne de Belleville choisit d'harceler le roi sur un autre terrain : la mer. Alors que les troupes de ce dernier arrivent sur ses terres pour assiéger son château, Jeanne s'est délestée de tous ses biens afin d'acquérir un navire qu'elle nomme Ma vengeance. Accompagnée de ses deux jeunes fils, elle prend la mer et rejoint les côtes britanniques. Le roi anglais, Édouard III, lui apporte son soutien et lui fournit d'autres bateaux. A leur tête, elle attaque tout navire arborant une fleur de lys. Elle aborde et pille les navires français qui ont le malheur de croiser sa route. Ces attaques font sa renommée à travers le Royaume de France, on la surnomme alors la tigresse bretonne ou la lionne sanglante

Dernières aventures de Jeanne de Belleville et son exil en Angleterre 

olivier V de clisson
Olivier V de Clisson, fils de Jeanne de Belleville et connétable de France © ABECASIS/SIPA (publiée le 14/04/2022)

En 1345, lassé des attaques de Jeanne, le roi de France ordonne que l'on ratisse la Manche afin d'éliminer définitivement cet élément perturbateur. Il y parvient un jour de tempête, Jeanne de Belleville se retrouve coincée par six navires du roi. Elle se résout à abandonner son équipage, et prend avec elle ses deux fils et quelques hommes à bord d'une chaloupe. Leur embarcation dérive pendant six jours, son plus jeune fils, Guillaume, meurt et elle est contrainte de jeter son corps à la mer. Ils finissent par atteindre les côtes bretonnes près de Morlaix, ville favorable au clan des Montfort. Elle s'associe à Jeanne de Flandre, épouse de Jean de Montfort, et décide de le faire évader du Louvre où il est emprisonné par le roi de France depuis quatre ans. L'évasion réussit mais malheureusement il meurt peu après en Angleterre. Les deux femmes s'exilent pour l'Angleterre accompagnées de leurs enfants, où ils sont sous la protection d'Edouard III. Le jeune Olivier, proche du roi, est fait chevalier quelques années plus tard. Il deviendra connétable de France. Il s'agit du membre de la famille de Clisson le plus connu, notamment pour sa cruauté au combat, qui lui vaut le surnom de boucher. 

La mort de Jeanne de Belleville en Angleterre

Jeanne de Belleville consacre la dernière partie de sa vie à tenter de récupérer ses biens et terres confisquées par le roi de France. Elle rencontre sire Walter de Bentley, lieutenant du roi en Bretagne, alors qu'elle participe activement aux réunions stratégiques concernant cette région. Elle le prend pour dernier époux aux alentours de l'an 1349, ce qui lui permet de récupérer ses terres et de se voir offrir d'autres domaines. Jeanne de Belleville décède en 1359, probablement en Angleterre, en dame respectée et puissante. Toute sa vie, elle aura suivi la devise de son armoirie : Pour ce qu'il me plest.

Œuvres en hommage à Jeanne de Belleville : film et livres

De noble dame à guerrière vengeresse, puis pirate des côtes bretonnes et normandes, la vie rocambolesque de Jeanne de Belleville a inspiré une série de livres, un film ainsi qu'un court-métrage. Les ouvrages Jeanne De Belleville, La Tigresse Bretonne d'Elie Durel et Jeanne de Belleville, le cœur flibustier d'Isabelle Pellé sont inspirés de sa vie. Une descendante de Jeanne, Astrid de Belleville, lui a consacré un mémoire de recherche. En 2022, un épisode de Secrets d'Histoire intitulé Jeanne de Belleville, pirate par amour lui est dédié. Figure indomptable et mal connue du grand public, Jeanne de Belleville est une personnalité féminine hors norme du Moyen- Âge. 

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