Soldat inconnu : le symbole des "poilus" de la Grande Guerre

Soldat inconnu : le symbole des "poilus" de la Grande Guerre La tombe du Soldat inconnu est installée sous l'Arc de Triomphe depuis le 11 novembre 1920. Il est le symbole des soldats morts durant la Première Guerre mondiale.

Pour rendre hommage à tous les "poilus" qui ont péri durant la Première Guerre mondiale, un soldat anonyme a été inhumé sous le prestigieux Arc de Triomphe de la capitale française. La tombe du Soldat inconnu est ainsi devenue l'emblème de ces soldats morts pour la France (1,4 million). Elle a été inaugurée le 11 novembre 1920, et se compose d'une dalle de granite avec une épitaphe devenue célèbre : "Ici repose un soldat français mort pour la Patrie - 1914-1918". Devant la sépulture bordée de chaînes noires est positionné un bouclier de bronze avec un glaive enflammé. Il a été offert à la ville de Paris par les Alliés, après la Seconde Guerre mondiale, et symbolise la libération de la ville.   

La tombe du Soldat inconnu est également célèbre pour sa flamme, installée en 1923, et qui brûle en continu. Chaque soir, un rituel a lieu : des associations d'anciens combattants ravivent cette flamme éternelle, en mémoire des soldats disparus. Pour les plus jeunes, participer à la cérémonie de ravivage de la flamme représente un geste citoyen, et un hommage aux disparus de la Grande Guerre.

Qui est le soldat inconnu ?

Le soldat inconnu est un soldat anonyme, dont on ne connaît ni le nom ni l'origine. Il a été choisi parmi les milliers de dépouilles qui n'ont pu être identifiées. Il représente symboliquement l'ensemble des soldats surnommés les "poilus" de la Première Guerre mondiale. L'idée de créer un monument à la mémoire de ces soldats disparus a été lancée en 1916 par Francis Simon, le président du Souvenir Français de Rennes. En octobre 1920, la décision d'inhumer un soldat inconnu se fait dans l'urgence. En effet, les Anglais s'apprêtent à faire de même dans leur pays le 11 novembre, jour de l'Armistice. Le gouvernement vote ainsi dans la précipitation le budget pour créer une sépulture, qui sera inaugurée le même jour. 

Comment a été fait le choix de ce soldat ?

Le choix du soldat inconnu a été effectué dans la citadelle souterraine de Verdun. Neuf corps ont été exhumés, pour finalement n'en retenir que huit, dans le doute sur la nationalité française d'une des dépouilles. Ils ont été récupérés sur les principaux champs de bataille de la Première Guerre mondiale : Verdun, Somme, Marne, Flandres, Artois, Champagne, Alsace, Lorraine et Chemin des Dames. Ils ont ensuite été disposés dans la citadelle de Verdun, dans des cercueils disposés en deux colonnes. Une compagnie du 132e régiment d'infanterie assurait la garde de ces dépouilles.

La cérémonie du choix du soldat inconnu a lieu le 10 novembre 1920 et est présidée par André Maginot, ministre des Pensions. Ce dernier se dirige vers l'un des gardes qui se nomme Auguste Thin, et lui tend un bouquet d'œillets blancs et rouges. Pupille de la nation et fils d'un combattant disparu, Auguste Thin s'avance vers le 6e cercueil, sur lequel il dépose son bouquet. Le soldat a fait ce choix en additionnant les chiffres de son régiment, le 132. Le soldat inconnu est ainsi désigné, au hasard, par un autre soldat. Dans la nuit, le cercueil est transporté à Paris pour la cérémonie d'inhumation, qui se déroule le 11 novembre 1920. Les sept autres cercueils non choisis sont enterrés au cimetière du Faubourg-Pavé, proche du lieu de la bataille de Verdun, dans le "Carré des sept inconnus".

Que s'est-il passé le 11 novembre 1920, en lien avec le soldat inconnu ?

Soldat inconnu
L'Arc de Triomphe, au sommet de l'avenue des Champs-Élysées et de l'avenue de la Grande-Armée, à Paris. © Production Perig - stock.adobe.c

Après bien des discussions sur le lieu d'inhumation, c'est l'Arc de Triomphe qui a été choisi comme lieu de mémoire pour accueillir la Tombe du Soldat inconnu. La cérémonie se déroule d'abord par un hommage au Panthéon, avec une allocution prononcée par le président de la République, Alexandre Millerand. L'entrée solennelle se fait le 11 novembre 1920, le cercueil étant disposé sur un canon de 155. Un défilé a lieu dans Paris, en simultané avec le chœur de Léon Gambetta. Transporté ensuite dans un char au milieu d'anciens combattants, il est disposé dans une salle de l'Arc de Triomphe, puis veillé jusqu'à la date officielle de l'inhumation, qui se déroule le 28 janvier 1921.

Comment se déroule l'inhumation officielle en 1921 ?

Soldat inconnu
Le président Emmanuel Macron, lors de la commémoration du 103ème anniversaire de l'armistice du 11 novembre 1918. © Stephane Lemouton-POOL/SIPA

Le soldat inconnu est inhumé officiellement le 28 janvier 2021. Plusieurs personnalités de premier plan assistent à cette cérémonie, dont le ministre belge des Affaires étrangères, Henri Jaspar, le Premier ministre britannique, David Lloyd George, ainsi qu'un officiel venu du Portugal. Côté français, les autorités politiques et civiles se sont rassemblées en nombre. De nombreux militaires et anciens poilus assistent à cette cérémonie, dont les maréchaux les plus réputés de la Première Guerre (Foch, Pétain et Joffre). Le président de la République française est naturellement présent pour rendre hommage aux "poilus" de la Première Guerre. Depuis cette date et chaque année, le chef de l'Etat s'incline sur la tombe du Soldat inconnu le jour du 11 novembre.

Le cercueil du soldat inconnu est descendu de l'Arc de Triomphe, puis transporté par d'anciens "poilus" vers sa destination. À 8 h 30 du matin, les troupes présentent les armes. Le ministre de la Guerre, Louis Barthou, rend hommage aux soldats morts pour la France : "Au nom de la France pieusement reconnaissante et unanime, je salue le Soldat inconnu qui est mort pour elle". Il s'incline respectueusement devant le tombeau, particulièrement ému, car il a perdu un fils dans cette guerre. Le cercueil du soldat inconnu est recouvert d'un drapeau français, sur lequel sont disposées trois décorations, la Médaille militaire, la Croix de guerre et la Légion d'honneur. Le tombeau est ensuite recouvert d'une dalle de granite où est inscrite l'épitaphe "Ici repose un soldat français mort pour la Patrie - 1914-1918". 

À quoi servent la flamme du soldat inconnu et son ravivage ?

L'idée de disposer une flamme du souvenir près de la tombe du Soldat inconnu vient de différentes personnes, d'abord du sculpteur Grégoire Calvet, puis d'Augustin Beaud, qui présenta son idée au Conseil municipal.

Soldat inconnu
La flamme éternelle sur la tombe du Soldat inconnu, jaillissant d'une gueule de canon, pris à l'ennemi, et placée au centre d'un bouclier de bronze. © lunamarina - stock.adobe.com

Les journalistes Gabriel Poissy et Jacques Péricard proposèrent en 1923 de la ranimer quotidiennement. C'est finalement cette option qui fut privilégiée, face à l'idée de ranimer la flamme une fois par an. Le ministre de la Guerre, André Maginot, allume pour la première fois la flamme le 11 novembre 1923. Les troupes du 5e régiment d'infanterie présentent les armes, sous l'air de la Marche funèbre de Chopin. Depuis, la flamme du soldat inconnu ne s'est jamais éteinte, car elle est ravivée chaque soir à 18 h 30 précises par des soldats.

Le ravivage de la flamme est organisé quotidiennement et assuré par le Comité de la Flamme, composé de centaines d'associations d'anciens combattants ou par des associations civiques reconnues. Le rituel du ravivage comprend plusieurs étapes, avec un défilé sous l'Arc de Triomphe, et des porteurs de drapeaux et gerbes de fleurs. Le clairon et le tambour de la Garde républicaine résonnent tandis que la flamme est ravivée, par un glaive qui ouvre la trappe de la flamme. La sonnerie aux morts et une minute de silence s'imposent pour rendre hommage aux "poilus" de la Première Guerre. Salutations et signatures du livre d'or viennent conclure ce cérémonial très précis et répété depuis 1923. Au-delà de l'acte de mémoire, le ravivage de la flamme peut être perçu comme un acte citoyen et un geste de devoir envers son pays.

Qui était "le soldat inconnu vivant", Anthelme Mangin ?

Il existe un autre soldat inconnu, mais celui-ci bien vivant. Il s'agit d'un "poilu" amnésique, retrouvé errant dans la gare de Lyon Brotteaux, après l'arrivée d'un convoi allemand ramenant des prisonniers français. L'homme ne peut être identifié et a perdu toute mémoire de ce qui lui est arrivé. Il sera placé d'asile en asile, sous le nom d'Anthelme Mangin, patronyme choisi à partir de quelques mots imperceptibles. La presse se fait écho de son sort et sa photo est largement publiée. Il sera finalement reconnu par la suite comme étant Octave Monjoin. Son cas reflète les blessures psychologiques d'une guerre particulièrement dévastatrice. Le soldat inconnu vivant sera également réclamé par des centaines de familles qui ne peuvent faire le deuil de leurs disparus : père, mari ou frère. À lui seul, il incarne toute la douleur de la Première Guerre mondiale et le retour compliqué à la vie civile des poilus.

Comment le visage du soldat inconnu a-t-il été reconstitué ?

À l'occasion du centenaire de l'Armistice de la Première Guerre, l'historial de la Grande Guerre, situé à Péronne dans la Somme, a eu une idée peu commune : reconstituer le visage du soldat inconnu. Comme ce dernier symbolise l'ensemble des soldats français morts durant la Première Guerre, le musée a utilisé comme base de travail les clichés de 60 000 hommes et femmes d'origines différentes, ayant vécu le conflit. Un algorithme complexe a analysé les points distinctifs de chaque visage pour constituer une matrice. Le visage du soldat inconnu apparaît doux, avec une fine moustache, et représente tous les soldats de cette guerre, amis et ennemis. Tout un symbole…

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