Traité de Trianon : traumatisme hongrois signé le 4 juin 1920

Traité de Trianon : traumatisme hongrois signé le 4 juin 1920 Signé le 4 juin 1920, le traité de Trianon constitue un traumatisme pour la Hongrie. Le pays perd une grande partie de son territoire et voit sa population diminuer de plus de 3 millions de personnes.

Résumé du traité de Trianon - Conclu le 4 juin 1920, le traité de Trianon s'inscrit dans le cadre du règlement de la Première Guerre mondiale. Imposé à la Hongrie par les pays vainqueurs que sont le Royaume-Uni, la France, les Etats-Unis, l'Italie, la Roumanie, le royaume des Serbes, Croates et Slovènes, et la Tchécoslovaquie, il fait suite au traité de Versailles. Le traité de Trianon engendre d'importantes conséquences pour la Hongrie, et plus généralement pour une grande partie de l'Europe centrale et de l'Est. A l'issue de la Première Guerre mondiale, le principe du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, énoncé par le président américain Wilson, profite à de nombreux peuples en Europe, mais est refusé aux Magyars dans le traité de Trianon. Après avoir été amputée d'une partie substantielle de son territoire, la Hongrie voit alors 3,3 millions de ses citoyens passer sous domination étrangère. Cette injustice guidera les choix des leaders politiques hongrois en matière de politique extérieure pendant plusieurs décennies, et encore aujourd'hui.

Pourquoi le traité de Trianon est-il signé ?

C'est le 4 juin 1920 qu'est signé, au Grand Trianon de Versailles, le traité de Trianon, par plusieurs des principaux belligérants de la Première Guerre mondiale. Dans la continuité du traité de Versailles, celui de Trianon vient confirmer le démantèlement de l'Autriche-Hongrie, de la même manière que le traité de Saint-Germain-en-Laye avait consacré, un an auparavant, la dislocation de la Cisleithanie. Les signataires du traité de Trianon sont, d'un côté, les vainqueurs du conflit, à savoir le Royaume-Uni, la France, les Etats-Unis, l'Italie, la Roumanie, le royaume des Serbes, Croates et Slovènes (ou future Yougoslavie), et la Tchécoslovaquie, et de l'autre, la Hongrie, pays vaincu récemment séparé de l'Autriche. L'objectif du traité de Trianon est de régler les questions territoriales et politiques découlant de la Première Guerre mondiale.

En janvier 1918, Woodrow Wilson, président des États-Unis pendant la guerre, a formulé un discours en "14 points". Ces points sont une série de propositions visant à établir un cadre pour une paix durable en Europe et à réorganiser les relations internationales. Le principe du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes était l'un des points centraux de la vision de Wilson pour l'après-guerre. Il s'agissait de reconnaître le droit des différents groupes ethniques et nationaux à décider de leur propre destin et de former leurs propres États indépendants, dans le respect de leurs aspirations nationales et culturelles. Cependant, le principe n'est appliqué qu'aux pays vainqueurs de la guerre et la Hongrie fait partie des vaincus.

Comment a été négocié le traité de Trianon ?

Les négociations dans le cadre du traité de Trianon sont particulièrement déséquilibrées. Les représentants hongrois y participent en tant que vaincus, contraints d'accepter les dispositions qui leur étaient imposées. La Hongrie fait pourtant prévaloir sa séparation d'avec l'Autriche dès le 31 octobre 1918, mais elle n'est pas entendue. La commission Lord mène les négociations. Elle est présidée par des géographes venant principalement des pays vainqueurs, et notamment du Royaume-Uni, des Etats-Unis, de France ou d'Italie. Avec seulement trois géographes, les Hongrois ont bien du mal à faire entendre leur point de vue au sein de la commission. En tenant compte des spécificités linguistiques rurales au détriment de villes, la commission Lord propose des tracés clairement défavorables à la Hongrie. Malgré ses protestations, la Hongrie est contrainte de signer le traité de Trianon.

Qu'instaure le texte du traité de Trianon ?

Avec des pertes de territoires et de populations importantes, la grande perdante du traité de Trianon est la Hongrie. Au total, le pays perd les deux tiers de sa superficie par rapport à 1918, passant de plus de 325 000 km² à 98 000 km². En conséquence, le pays perd environ un tiers de sa population magyare. Ces pertes se font au profit de l'ensemble des pays limitrophes de la Hongrie. Au-delà des territoires perdus, la Hongrie voit les handicaps s'accumuler. Elle perd, par exemple, son accès à la mer Adriatique au niveau de la Croatie, provoquant un enclavement des plus pénalisants pour l'indépendance du pays. En outre, des forêts et des terres arables lui sont confisquées, rendant plus prégnante la question de sa dépendance alimentaire. Les industries sont elles aussi mises à mal par la perte de mines d'or, d'argent, de cuivre ou encore de mercure. Enfin, le pays se retrouve privé de plusieurs de ses principales villes, provoquant un véritable choc démographique, mais aussi culturel.

Qui sont les gagnants du traité de Trianon ?

Avec plus de 103 000 km² gagnés, la Roumanie est la grande gagnante du traité de Trianon. Le redécoupage lui est particulièrement favorable puisqu'elle récupère le Banat oriental, la Marmatie méridionale, le Partium, ou Körösvidék, et la Transylvanie. En outre, elle voit sa population croître considérablement grâce aux minorités hongroises résidant sur ces territoires. Le royaume des Serbes, Croates et Slovènes voit lui aussi son territoire s'agrandir de façon conséquente grâce à la Croatie-Slavonie, au Muravidék, à la Bačkaet à la partie occidentale du Banat. Au total, ce sont plus de 63 000 km² de territoires. La Tchécoslovaquie n'est pas en reste, puisqu'elle s'agrandit de plus de 61 000 km² avec la Slovaquie et la Ruthénie subcarpathique. Bien qu'étant un pays vaincu, l'Autriche se voit attribuer le Burgenland, soit près de 4 000 km² tout de même. La Pologne obtient 580 km² de nouveaux territoires grâce aux cantons de Szepes/Spiš et d'Arva/Orava. L'Italie quant à elle s'empare de l'Etat libre de Fiume et de ses 23 km².

Quelles sont les conséquences du traité de Trianon ?

Miklós Horthy portrait
Portrait de Miklós Horthy © MARY EVANS/SIPA (publiée le 09/06/2023)

La première conséquence du traité de Trianon est bien évidemment la dislocation de la Hongrie. Le pays a vu une grande partie de ses territoires (les deux tiers de sa superficie) lui échapper au profit des pays voisins. Une part non négligeable de sa population magyare a, en outre, été absorbée par d'autres peuples. Cela signifie que de nombreux Hongrois ont été contraints de vivre sous domination étrangère.

Il a résulté de ce passé douloureux un sentiment d'injustice et un fort ressentiment vis-à-vis des pays vainqueurs qui ont imposé les conditions du traité de Trianon aux pays vaincus. Cette dislocation de la Hongrie a ainsi provoqué un traumatisme historique au sein de la population. Cela s'est surtout soldé par la demande de révision pendant l'entre-deux-guerres des clauses du traité afin de le rendre plus équilibré, sous l'égide de l'amiral Miklós Horthy. Cependant, le refus catégorique des pays vainqueurs a également scellé le rapprochement de la Hongrie avec le IIIe Reich qui lui a accordé, par arbitrage, plusieurs territoires comme le sud de la Slovaquie, la Ruthénie, le nord de la Serbie ou bien encore le nord de la Transylvanie. Ces gains sont finalement annulés à l'issue de la Seconde Guerre mondiale, et le retour aux frontières du traité de Trianon est donc appliqué.

Plus d'un siècle après le traité de Trianon, le traumatisme est encore visible au sein de la population hongroise, et certains dirigeants politiques nationaux ou locaux n'hésitent pas à s'en servir pour galvaniser leurs supporters. Le parti Fidesz-Union civique hongroise, ainsi que d'autres mouvements politiques d'extrême droite, utilisent régulièrement les termes de "tragédie de Trianon" pour caractériser ce traumatisme et faire l'éloge du glorieux passé de la Hongrie. Ce discours est fréquemment tenu à des fins électoralistes.

Autour du même sujet