Apartheid : la ségrégation raciale en Afrique du Sud résumée

Apartheid : la ségrégation raciale en Afrique du Sud résumée L'apartheid est une politique de ségrégation raciale instaurée en Afrique du Sud de 1948 à 1991. Des mouvements de révolte menés par Nelson Mandela y ont mis fin.

Résumé et définition de l'apartheid - Colonisée par les Néerlandais au XVIIe siècle et devenue dominion britannique en 1910, l'Afrique du Sud possède déjà un lourd passé de discrimination raciale lorsqu'est mis en place l'apartheid. Appliquée dès 1948, cette politique, disant favoriser le développement du pays et la préservation des cultures de chaque ethnie, vise surtout à conserver la suprématie blanche. Multipliant les mesures de ségrégation raciale, l'apartheid s'attire de plus en plus les foudres de l'opinion internationale alors même qu'est amorcée la décolonisation partout ailleurs. Finalement, le régime ne survivra ni aux désordres politiques et sociaux du pays, ni à l'évolution des pensées. Il prendra fin en 1991, grâce à la révolte d'activistes comme Nelson Mandela

Pourquoi  les nationalistes montent-ils au pouvoir ?

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Les forces volontaires britanniques reviennent à Londres triomphantes de la guerre des Boers (octobre 1900). © MARY EVANS/SIPA (publiée le 24/08/2022)

Depuis la guerre des Boers et la naissance de l'Union d'Afrique du Sud en 1910, les problèmes raciaux se posent plus que jamais, comme en témoigne la mise en place du "Colour bar" ("barrière de couleur" discriminatoire pour les Noirs). Le gouvernement est uniquement formé par des Blancs, qui s'efforcent de conserver tous les pouvoirs alors qu'ils ne représentent qu'une petite minorité au sein de la population du territoire, composée principalement de Noirs bantous, de Métis et d'Asiatiques.

Dans ce climat de tensions, où la population majoritaire prend de plus en plus conscience de sa condition, l'African National Congress (ANC) est fondée en 1912. Mais cette organisation bantoue est impuissante face à la volonté du gouvernement de Louis Botha de rassembler les Noirs dans des réserves. 

Lorsque Botha meurt en 1919, le général Smuts prend sa place en tant que Premier ministre et chef du Parti sud-africain. Mais dès 1924, une coalition des nationalistes et des travaillistes est portée au pouvoir, offrant la place de Premier ministre à James Hertzog, issu d'une famille de Boers et déterminé à renforcer la ségrégation raciale. Toutefois, les difficultés de la crise de 1929 modifient une fois de plus le gouvernement sud-africain. Pour sa survie, le Parti national d'Hertzog est en effet contraint de fusionner avec celui de Smuts sous le nom de Parti uni, en 1934.

Comment l'apartheid débute-t-il ? 

Plusieurs Afrikaners (aussi appelé Boers) de l'ancien Parti national rejettent totalement cette fusion et préfèrent fonder leur propre parti nationaliste, à la tête duquel se trouve le pasteur Malan. Parallèlement, Hertzog laisse la place de Premier ministre à Smuts au début de la Seconde Guerre mondiale. Aussitôt, l'Union sud-africaine déclare la guerre à l'Allemagne, tandis que les premières influences nazies s'ancrent dans les mouvements nationalistes.

À la fin des années 1940, Malan, dont le Parti national a pris plus d'ampleur, propose un programme électoral reposant sur le développement du territoire par la séparation racial. C'est ce qu'il appelle "apartheid", qui signifie d'ailleurs "séparation" dans la langue afrikaans. Avec des dizaines d'années de politique discriminatoire derrière lui, il est porté au pouvoir en mai 1948. Aussitôt, il met ses projets à exécution.

Comment naît la préservation de la suprématie blanche ? 

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Un banc au Cap à l'extérieur de la Haute Cour, pendant la période d'apartheid, réservés aux Blancs, excluant les Métis et les Noirs. © Manuel - stock.adobe.com

À partir de 1949, une série de lois est promulguée pour aboutir à la séparation totale, tant géographique, politique, sociale que culturelle, des différentes ethnies qui peuplent l'Afrique du sud. La première de ces lois interdit tout mariage mixte. Pour clarifier leur portée, trois principaux groupes sont officiellement distingués à partir de 1950 : les Blancs, les Noirs et les Métis. Le "Group Areas Act" peut alors entrer en vigueur afin de délimiter les zones d'habitations de chaque groupe.

Les politiques ont beau mettre l'accent sur le développement culturel séparé des ethnies non-blanches, toutes les mesures de l'apartheid n'ont en fait qu'une finalité : faire perdurer la suprématie des Blancs. Toute la législation mise en place en témoigne : port obligatoire de passeport pour les Noirs, ségrégation des lieux et services publiques, réforme de l'éducation, code du travail en défaveur des Noirs…

Même après le départ de Malan en 1954, la ségrégation raciale se poursuit plus intensément. À partir de 1959, des régions sont spécialement délimitées pour les populations noires bantoues. Il est prévu que ces Bantoustans, comme on les appelle, deviennent des Etats autonomes, puis indépendants. Mais ces territoires, qui doivent n'occuper que 13 % du pays, sont économiquement trop pauvres pour se suffire à eux-mêmes. En réalité, le fait même de concéder des terres aux Noirs afin de créer des Etats indépendants en apparence permet au gouvernement de les exclure de l'Union sud-africaine. En outre, ce système attise les dissensions ethniques entre Bantous et freine ainsi le nationalisme noir.

Comment se déroulent les révoltes et oppositions pendant l'apartheid ? 

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Funérailles collectives ont lieu à Sharpeville, en Afrique du Sud, pour les 69 victimes du massacre tuées par la police. Elles protestaient contre les politiques d'apartheid du gouvernement. © AP/SIPA (publiée le 24/08/2022)

Un tel régime suscite irrémédiablement des protestations, comme en témoigne la manifestation de Sharpeville, terriblement réprimée en mars 1960. À la suite de ce tragique événement, le gouvernement interdit l'ANC et la PAC (Panafrican Congress), deux mouvements noirs qui luttent contre l'apartheid. L'ANC est donc contraint d'agir dans la clandestinité et décide, sous l'impulsion de Nelson Mandela, de prendre les armes. Mais ce dernier sera arrêté dès 1962, puis condamné à la prison à vie en 1964.

Les protestations contre l'apartheid sont loin d'être internes à l'Afrique du Sud et de ne toucher que les populations noires. En effet, nombreux sont les Blancs, notamment britanniques ou catholiques, qui s'y opposent tandis que la communauté internationale tente de faire pression. Ainsi, face au mécontentement des membres du Commonwealth, le Premier ministre Verwoerd réagit en faisant proclamer l'indépendance de l'Union sud-africaine, devenue alors République sud-africaine. L'ONU, quant à elle, vote l'application de nouvelles sanctions en 1962, qui restent toutefois sans effet.

Mais dans les années 1970, l'indépendance du Mozambique et de l'Angola renforce davantage encore le nationalisme noir et affaiblit le pouvoir. En juin 1976, la manifestation de lycéens de Soweto et la répression particulièrement violente qui suit bouleversent considérablement l'opinion internationale. L'événement contribue sans conteste à la démission du Premier ministre Vorster, critiqué de toutes parts. Il est remplacé par Pieter Willem Botha, qui entreprend de légères réformes de l'apartheid.

Quel rôle joue Nelson Mandela pendant l'apartheid ? 

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Statue de Nelson Mandela avec le poing levé, Le Cap en Afrique du Sud.. © SL-Photography - stock.adobe.com

Nelson Mandela est l'un des dirigeants de la lutte contre l'apartheid. Ses principales actions ont été la lutte contre la ségrégation raciale et la réconciliation des communautés blanches et noires en Afrique du Sud.  Ses combats pacifistes font de lui une figure majeure du mouvement dans les années 50. En 1943, il rentre au Congrès national africain (ANC) avec pour ambition de construire une société plus juste. Par la suite, il s'engage dans une branche militaire de l'ANC et se fait arrêter en 1962 pour avoir mené une campagne de sabotage contre des installations publiques et militaires. Il est emprisonné et condamné aux travaux forcés pendant 27 ans. Il faudra attendre février 1990 pour sa libération. Quatre ans plus tard, il obtient le pouvoir aux premières élections multiraciales de 1994 et s'impose auprès de la communauté internationale comme un symbole de l'égalité raciale.

Comment l'apartheid est-il aboli ? 

Pieter Botha supprime ainsi quelques lois ségrégationnistes sur la fréquentation des lieux publics, le passeport intérieur ou l'accès à l'emploi, tout en maintenant une politique d'exclusion des Noirs. En 1984, il permet aux Métis et aux Asiatiques de rejoindre le Parlement, sans rien concéder aux Noirs. Le but d'une telle démarche est évidente : il s'agit tout bonnement d'alourdir le poids du gouvernement face à une population noire majoritaire. Finalement, cette réforme a pour seule conséquence d'attiser davantage la colère de l'opposition. Alors que la population noire multiplie les révoltes et les grèves, le gouvernement est mis à mal par le renforcement des opposants à l'apartheid.

La République sud-africaine plonge irrémédiablement dans un désordre politique et social profond, allant jusqu'à proclamer l'état d'urgence. Lorsqu'à partir de 1985, les investisseurs et partenaires étrangers du pays multiplient les sanctions économiques, la République sud-africaine ne voit qu'une issue : abolir l'apartheid. Pieter Botha laisse la place à Frederik De Klerk, qui entreprend de supprimer la totalité des mesures de l'apartheid. L'ANC revient dans la légalité, tandis que Nelson Mandela est libéré. 

Après plus de 40 ans d'existence, l'apartheid est définitivement aboli. Mais les années de ségrégations raciales qu'a connues l'Afrique du Sud restent toutefois profondément ancrées dans les mentalités de chacun. Ainsi, le pays va amorcer une phase de réconciliation nationale et internationale sous la présidence, pour la première fois, d'un représentant de la majorité noire. Pour cela, la commission vérité et réconciliation est mise en place pour clarifier les torts de chacun. Mais après les inégalités raciales, reste à combattre les inégalités sociales. 

les dates clés de l'Apartheid

5 juin 1918 - Fondation de l’Afrikaner Broederbond
Le 5 juin 1918, on assiste à la fondation de l’Afrikaner Broederbond, à Johannesburg, en Afrique du Sud. L’Afrikaner Broederbond est en fait une société secrète, établie dans le but de regrouper et soutenir la communauté Afrikaner. Les Afrikaners représentent les blancs d’Afrique du Sud d’origine néerlandaise, française, allemande ou scandinave. Cette fondation est notamment l’une des inspiratrices du courant de l’apartheid, qui consistait à opérer une séparation raciale et ethnique des peuples.
18 juillet 1918 - Naissance de Nelson Mandela
Nelson Mandela naît le 18 juillet 1918, en Union d’Afrique du Sud. Féru de sport, adolescent, il poursuit des études de droit afin de devenir avocat. Intéressé par la politique, il rejoint dès 1943 le Congrès national africain. Débute ensuite la lutte contre l’apartheid et contre la ségrégation raciale, qui amènera Nelson Mandela au poste de président de l’Afrique du Sud, en 1994. Un an plus tôt, Nelson Mandela obtient le prix Nobel de la paix pour son combat.
26 mai 1948 - Victoire du Parti nationaliste de Daniel Malan
La victoire du Parti nationaliste de Daniel Malan, alors pasteur de l’Eglise néerlandaise réformée, est synonyme du début de l’apartheid. Dans son costume de Premier ministre acquis avec la majorité des sièges remportés au Parlement sud-africain, Daniel Malan impose à la population sa vision d’une séparation raciale. Les premières lois et les premières mesures de ségrégation raciale entrent progressivement en vigueur.
1949 - Interdiction du mariage mixte en Afrique du Sud
Dans le cadre de l’apartheid, une loi promulguée interdit formellement le mariage mixte sur le territoire. Le but de cette nouvelle politique est de séparer catégoriquement les différentes ethnies, qui peuplent le territoire. Plus tard, la loi sera complétée par l’interdiction formelle des rapports sexuels mixtes.
1950 - Les différents groupes sud-africains définis par l’apartheid
Le "Population Registration Act" est promulgué, afin de distinguer les différents groupes composant la population de l’Union sud-africaine. Quatre groupes sont ainsi différenciés : les Noirs, composés de neuf ethnies, les Métis, les Indiens et les Blancs d’origine européenne.
21 mars 1960 - Massacre de Sharpeville
À Sharpeville, de nombreux manifestants se réunissent pour protester contre le port obligatoire du passeport inscrit dans le "Pass Law Act". Soutenues par l’African National Congress (ANC) et le Panafrican Congress (PAC), ces manifestations sont violemment réprimées par la police. Plus de 60 manifestants y perdent la vie, et près de 180 autres personnes sont blessées. L’événement suscite l’indignation sur la scène internationale, et amplifie le phénomène de violence dans les autres manifestations.
6 novembre 1962 - L’ONU sanctionne l’Afrique du Sud
Face à la violence qui ne cesse de croître au cours des manifestations et dans le pays d’une manière générale, l’ONU condamne officiellement la politique de l’apartheid. L’organisation européenne recommande alors aux autres pays d’interrompre toute relation diplomatique ou commerciale avec l’Afrique du Sud. Cette sanction n’a toutefois que peu d’impact. Le gouvernement poursuit sans détour la mise en place et l’application de l’apartheid en Afrique du Sud.
12 juin 1964 - Mandela est condamné à perpétuité
Jugés pour trahison, Nelson Mandela ainsi que 7 membres de l’African National Congress (ANC) se voient condamnés à la prison à vie. Alors qu’il reçoit une proposition de libération contre un renoncement à la lutte armée contre l’apartheid, Nelson Mandela refuse. Il effectue le début de sa peine dans l’île prison de Robben Island, sous le matricule 46664. Contraint aux travaux forcés, Nelson Mandela doit aussi composer avec des conditions de vie très rudes.
Septembre 1989 - De Klerk président de la République sud-africaine
En septembre 1989, Frederik De Klerk est élu à la présidence de la République sud-africaine. Débute alors une période d’abandon du régime de l’apartheid, motivée, notamment, par la multiplication des revendications des populations noires, et par l’isolement économique de l’Afrique du Sud sur la scène internationale. Il faudra toutefois attendre près de deux ans, en juin 1991, pour que l’apartheid soit officiellement aboli.
11 février 1990 - Libération de Nelson Mandela
Après 27 ans d’incarcération dans la prison de Paarl, Nelson Mandela est libéré, sous la présidence de Frederik De Klerk. En 1964, il avait été condamné à la prison à perpétuité pour trahison, après avoir lutté contre le régime de l’apartheid. Depuis son incarcération, il était devenu le symbole de la lutte pour la liberté des Noirs, en Afrique du Sud. En avril 1994, il sera élu président de la République sud-africaine, juste après avoir obtenu le prix Nobel de la paix avec De Klerk.
Juin 1991 - Abolition de l’apartheid
En qualité de président de la République sud-africaine, Frederik De Klerk abolit de façon officielle l’apartheid. Des négociations s’ouvrent alors entre les différents partis politiques sud-africains, pour former un nouveau gouvernement. Dirigé par Nelson Mandela lui-même, l’ANC participe à ces négociations, et parvient à imposer la mise en place d’un gouvernement multiracial et démocratique.
15 octobre 1993 - Prix Nobel de la paix pour Mandela et De Klerk
Pour leur combat contre l’apartheid et contre la ségrégation raciale, Nelson Mandela et Frederik De Klerk reçoivent le prix Nobel de la paix, en octobre 1993. Longtemps reconnu comme le plus célèbre des détenus politiques, Nelson Mandela se voit aussi salué pour son combat en faveur de la démocratie. Un an plus tard, Yasser Arafat, Yitzhak Rabin et Shimon Peres leur succéderont grâce à leur propre action politique.
27 avril 1994 - Mandela devient président
Quatre ans seulement après sa libération de prison, et trente ans après sa condamnation, Nelson Mandela est officiellement élu président de la République d’Afrique du Sud. Grand partisan de la libération de Nelson Mandela, Frederik De Klerk rétrograde au rang de vice-président, un poste qu’il occupera jusqu’en 1996. Conformément à la promesse qu’il avait formulée, Nelson Mandela n’effectuera, lui, qu’un seul mandat. Il cédera la place en 1999 à Thabo Mbeki.

XXe siècle