Massacre de Tiananmen : la tuerie de 1989 à Pékin

Massacre de Tiananmen : la tuerie de 1989 à Pékin En 1989, la ville de Pékin est le théâtre du massacre de Tiananmen. Origines, déroulé, conséquences... Voici ce qu'il faut savoir sur la tuerie d'étudiants, d'ouvrier et d'intellectuels chinois.

Résumé du massacre de Tiananmen - Au printemps 1989, le gouvernement chinois est confronté à des manifestations de la part d'étudiants, d'ouvriers et d'intellectuels. Pour asseoir leur autorité et mettre un terme à ces manifestations, les responsables du parti communiste décident de faire intervenir l'armée. Dans la nuit du 3 au 4 juin 1989 débute le massacre de Tiananmen. Trente ans plus tard, le bilan officiel de cette sanglante répression demeure toujours inconnu. En Chine, les origines comme les conséquences du massacre de Tiananmen sont-elles passées sous silence ? 

Quel est le contexte du massacre de Tiananmen ?

Le massacre de Tiananmen est l'épilogue d'un mouvement de contestation débuté dès le 15 avril 1989. A divers endroits de la République populaire de Chine, étudiants, ouvriers, intellectuels se rassemblent pour exprimer à la fois leur désaccord contre la corruption, leur désir de réformes politiques et leur aspiration à plus de démocratie dans le pays. Peu à peu, le mouvement prend de l'ampleur et gagne les grandes villes comme Shanghai et Pékin. A Pékin, les manifestants investissent la place Tian'anmen qui se situe au centre de la ville, et qui constitue la quatrième plus grande place du monde. Soutenues par certains dirigeants chinois comme Zhao Ziyang, secrétaire général du parti communiste chinois rapidement démis de ses fonctions, les manifestations préoccupent le gouvernement en place. Celui-ci donnera alors l'ordre à l'armée d'intervenir pour les faire cesser. Une décision lourde de conséquences et qui provoque de vives réactions de la part de la communauté internationale.

Quelles en sont les causes ?

Plusieurs événements expliquent le massacre de Tiananmen :
  • Le programme "Réforme et ouverture" : à la veille des années 80, Deng Xiaoping, président du parti communiste chinois, lance un vaste programme de réformes destinées à moderniser le pays. En 1986, il nomme Zhao Ziyang pour la prise en charge de ces réformes centrées sur les "Quatre modernisations" : l'industrie, la défense nationale, l'agriculture et les sciences et technologies.
  • L'appel à une "cinquième modernisation" : portés par cet élan réformiste, des intellectuels et des étudiants réclament ce qu'ils nomment la "cinquième modernisation", à savoir une réforme de la démocratie et du multipartisme.
  • La soif de liberté et d'indépendance de la jeunesse chinoise : dès les années 70 (manifeste de Canton en 1974, Printemps de Pékin en 1978, etc.), la jeunesse chinoise manifeste une envie de liberté et d'indépendance.

L'ensemble de ces éléments concourt à la mise en place d'un véritable mouvement démocratique chinois, qui vient se heurter à la vision politique défendue par les principaux dirigeants du parti communiste.

Comment se sont déroulées les manifestations sur la place de Tiananmen ?

portrait Hu Yaobang
Portrait de Hu Yaobang © /NEWSCOM/SIPA (publiée le 13/03/2023)

Le 15 avril 1989, Hu Yaobang, ancien secrétaire général du parti communiste chinois adoubé pour ses prises de position lors de la révolution culturelle, décède d'une crise cardiaque. Aux quatre coins du pays, des manifestants se réunissent spontanément pour lui rendre hommage. Le lendemain, de nouveaux regroupements ont lieu place Tian'anmen avec, pour revendication, la réhabilitation politique du défunt. Bien que pacifiques, ces rassemblements, qui se poursuivent encore jusqu'au 22 avril, sont mal perçus par les autorités chinoises qui les qualifient de "troubles à l'ordre public". Dès le 26 avril, toute manifestation est alors interdite.

Bien décidés à faire entendre leur voix, les étudiants poursuivent leurs manifestations à Pékin et dans d'autres villes chinoises. A la mi-mai, une partie d'entre eux entame une grève de la faim sur la place Tian'anmen et reçoit le soutien d'une bonne partie de la population. Au sommet du pays, les discussions s'enchaînent pour définir la bonne réponse à apporter, et dans le bon timing. Les partisans d'une réponse répressive obtiennent gain de cause. Après d'ultimes tentatives de négociation, la loi martiale est décrétée par Deng Xiaoping, malgré l'opposition de certains hauts gradés. Les soldats de la 38e armée investissent les contours de la place Tian'anmen. Face à l'incapacité des soldats à contenir les manifestations, des militaires sont ensuite envoyés en renfort. Confrontée à une résistance de la part des manifestants et des habitants de Pékin, l'armée tire à balles réelles sur la foule.

Comment les manifestations ont-elles fini en massacre ?

Les manifestations de la place Tian'anmen dégénèrent au moment où sont envoyés sur place les renforts militaires pour mettre un terme aux rassemblements. Au total, ce sont environ 200 000 militaires, en provenance de vingt-deux divisions, qui reçoivent l'ordre de se diriger vers Pékin. A l'approche de la place Tian'anmen, les soldats rencontrent une vive résistance de la part des habitants, qui érigent des barricades pour ralentir leur progression. Les premiers échanges de tir ont lieu avec des chars qui tirent sur la foule, mais aussi sur des soldats, une situation qui illustre la désunion qui existe alors au sein même de l'armée chinoise. A 1 h du matin, le 4 juin, l'armée prend enfin position sur la place Tian'anmen. L'ordre lui est alors donné d'évacuer la place avant 6 h, sans ouvrir le feu. Un peu plus de quatre heures plus tard, la place Tian'anmen est vidée, non sans avoir été le théâtre du massacre de civils chinois, dont certains tentaient alors de fuir la place. Immortalisé par les journalistes présents sur place, le massacre indigne la communauté internationale.

Quelle est l'histoire de "l'homme de Tian'anmen" ou "Tank man" ?

Le massacre de Tiananmen s'accompagne de tout un tas de symboles dont l'un fait le tour de la planète. Le 5 juin, alors qu'une colonne de l'armée chinoise composée d'au moins 17 chars de type 59 progresse sur une avenue, un homme prend position face à elle. Seul, au milieu de la route, avec un sac de couleur dans chaque main, l'individu empêche la progression des chars. A proximité des lieux, des journalistes étrangers immortalisent cet acte de résistance passive. Le symbole est par ailleurs renforcé par le caractère anonyme de l'individu. Encore aujourd'hui, personne n'est en mesure d'affirmer avec certitude l'identité de cet homme pourtant mondialement célèbre. De la même manière, plusieurs versions existent pour tenter d'expliquer ce qu'est devenu "l'homme de Tian'anmen", ou "Tank man". Après une discussion avec le conducteur du char de tête, l'homme est en effet encerclé par plusieurs hommes, qui l'invitent à quitter l'endroit où il se trouve. Pour certains, "Tank man" sera ensuite exécuté. Pour d'autres, il serait toujours en vie. 

Quelles sont les conséquences du massacre de Tiananmen ?

victimes massacre Tiananmen hôpital Pékin
Dans la morgue d'un hôpital de Pékin, des corps non identifiés de victimes tuées sur la place Tiananmen gisent dans le couloir. © CLOPET/SIPA (publiée le 13/03/2023)

Le bilan humain du massacre de Tiananmen diffère selon les interlocuteurs. Le gouvernement chinois reconnaît officiellement 241 morts, parmi lesquels des soldats, et 7 000 blessés. Des journalistes évoquent de leur côté entre 400 et 800 morts. Des organismes indépendants et des associations humanitaires se montrent plus pessimistes avec, par exemple, des estimations à plus de 1 000 morts pour Amnesty International. Le massacre de Tiananmen fait par ailleurs l'objet d'une couverture médiatique stricte de la part des autorités chinoises, avec une vague d'arrestations et de persécutions. Le sujet est banni des livres d'histoire, et rares sont les jeunes Chinois aujourd'hui à être informés sur ce massacre.

Au lendemain du massacre de Tiananmen, la communauté internationale s'indigne, et condamne les agissements du gouvernement chinois. Les Etats-Unis et les pays de la CEE instaurent un embargo sur les ventes d'armes à la Chine. La France gèle, elle, ses relations avec la Chine. De nombreux journalistes étrangers sont quant à eux expulsés.

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