Révolte iranienne : la révolution islamique de 1979 en Iran

Révolte iranienne : la révolution islamique de 1979 en Iran En 1978, la révolution éclate en Iran. Contraint à renoncer au pouvoir, le shah s'exile début 1979. Rentrant de France, l'ayatollah Khomeini instaure la République islamique.

Résumé de la révolution iranienne - Le shah Mohammad Reza Chah Pahlavi accède au pouvoir en Iran en 1941, lors de l'invasion du pays par les Britanniques et les Soviétiques. S'il entretient de bonnes relations avec les Etats-Unis, les pratiques violentes de la SAVAK, son service de sécurité intérieure et de renseignement, sont condamnées. Dans les années 1970, le shah se heurte à l'ayatollah Khomeini, l'un des leaders de l'opposition religieuse. Une frange très religieuse de la population iranienne s'oppose, par ailleurs, à l'impérialisme étranger. La contestation éclate en 1978, lorsque la presse officielle tente de décrédibiliser l'ayatollah Khomeini. Les manifestations conduisent au Vendredi noir (8 septembre 1978). Isolé, le shah quitte l'Iran le 16 janvier 1979. L'ayatollah Khomeini accède au pouvoir le 11 février 1979, en dépit de l'opposition du gouvernement du Premier ministre Chapour Bakhtiar. Si la population approuve la destitution du shah, les désaccords sur l'avenir du pays se manifestent rapidement, incarnés par de nombreux groupes révolutionnaires.

Quelles sont les causes de la révolution iranienne ?

Shah d'Iran
Portrait de Mohammad Reza Shah Pahlavi, Shah d'Iran © MARY EVANS/SIPA (publiée le 01/06/2023)

Dès son accession au pouvoir, dans un contexte de guerre froide, le shah devient un interlocuteur privilégié des Etats-Unis, et le "gendarme du golfe Persique". Les violentes répressions de la SAVAK (services secrets iraniens) lui attirent toutefois des condamnations internationales et une vive opposition en Iran.

Bien que l'Iran ne fasse pas partie des pays arabes ligués contre Israël, son économie bénéficie du choc pétrolier de 1973. Cette augmentation des revenus du pays s'accompagne d'une inflation élevée et d'une forte crise du logement, en particulier à Téhéran. Cette situation économique provoque le mécontentement de la population, d'autant que l'exode rural voit naître une nouvelle classe de prolétariat suburbain vivant dans des conditions d'extrême pauvreté.

Cette frange pauvre de la population, souvent très religieuse, est opposée à l'impérialisme américain. Elle soutient l'opposition, incarnée notamment par l'ayatollah Khomeini, qui considère le règne du shah comme une tyrannie. C'est un article publié contre lui en 1978 qui est le détonateur de la révolution.

Quelles ont été les premières contestations en Iran ?

La révolte du Tabac de 1891, organisée en réaction aux concessions sur le marché du tabac accordées au Royaume-Uni, est la première contestation majeure. Elle donne naissance à l'opposition. De nouvelles manifestations éclatent en 1964, lors de l'exil de Khomeini, qui exigeait que la loi iranienne s'applique aux résidents étrangers.

C'est toutefois au cours des années 1970 que le mécontentement s'exprime le plus vigoureusement en Iran. L'opposition est alors principalement menée par Mehdi Bazargan et son Mouvement de libération de l'Iran, ainsi que par Ali Shariati, professeur et philosophe assassiné à Londres en 1977. Le 7 janvier 1978, un article contre Khomeini met le feu aux poudres. A Qom, les étudiants se révoltent, et plusieurs sont tués. Conformément aux coutumes chiites, le service religieux en mémoire des victimes se tient 40 jours plus tard. C'est l'occasion d'une nouvelle manifestation qui entraîne de nouvelles victimes.

Comment s'est déroulée la révolution iranienne ?

La première manifestation de masse se déroule le 7 janvier 1978. Suivant un cycle de deuil et de célébration de 40 jours, les manifestations suivantes ont lieu les 18 février, 29 mars et 10 mai 1978. La situation économique du pays se dégrade rapidement. Au soir du 7 septembre, la loi martiale est décrétée à Téhéran et dans onze autres villes. Le lendemain, une nouvelle manifestation massive a lieu à Téhéran. Elle est réprimée dans le sang : c'est le Vendredi noir. Le shah perd alors ses soutiens. La grève générale est décrétée. Les pétroliers sont bloqués dans le port d'Abadan, paralysant une industrie cruciale pour le régime. La contestation atteint son paroxysme durant le mois de décembre.

En dépit d'une répression violente occasionnant de nombreux morts, des dissensions naissent au sein de l'armée. Atteint d'un cancer et ne bénéficiant plus du soutien étranger, le shah se retranche dans son palais de Niavaran. Il nomme alors Chapour Bakhtiar Premier ministre. Ce dernier le convainc de quitter l'Iran temporairement. Tandis que le shah et son épouse entament une errance les menant notamment en Egypte, au Mexique et aux USA, l'ayatollah Khomeini est autorisé à revenir en Iran, où il est accueilli avec ferveur. En dépit de tensions et d'affrontements entre officiers de l'armée, Khomeini arrive au pouvoir le 11 février, et Mehdi Bazargan devient son Premier ministre. C'est la fin de l'empire d'Iran. Le gouvernement de Chapour Bakhtiar doit fuir.

La République islamique est instituée par référendum (30 et 31 mars 1979), tandis que la constitution est adoptée quelques mois après, le 2 décembre, à la suite d'un second référendum. Elle instaure le poste de Guide de la Révolution (ou Guide suprême), qui représente la plus haute autorité politique et religieuse du pays. Il revient à Rouhollah Khomeini, qui l'occupe jusqu'à sa mort en 1989. Son rôle est notamment de signer les décrets formalisant l'élection du président. Le 4 février 1980, Khomeini approuve l'élection d'Abolhassan Bani Sadr. Ce dernier est le premier président de la République islamique d'Iran.

Qui est Khomeini, le principal acteur de la révolution islamique en Iran ?

Khomeini
Portrait de l'ayatollah Khomeini © SIPA (publiée le 01/06/2023)

Né le 24 septembre 1902 à Téhéran et issu d'une famille chiite très croyante, Rouhollah Moussavi Khomeini étudie la théologie à Qom et devient professeur. Nommé ayatollah en 1950, il s'engage dans l'opposition religieuse au régime du shah, dénonçant les réformes telles que le droit de vote des femmes ou la remise en cause de la suprématie de la charia. Alors parmi les plus grands chefs de la communauté chiite, et considéré comme "guide religieux suprême" (marja-e taqlid), Khomeini est exilé en 1964. Cet exil fait suite à des critiques violentes portées à l'égard du décret qui permet l'immunité juridique des conseillers militaires américains.

Vivant successivement en Irak et en France, l'ayatollah Khomeini se radicalise, propageant son message via des cassettes audio envoyées en Iran. Il se sert notamment de l'exaspération envers la présence américaine (le "Grand Satan") pour promouvoir son discours. Rentrant en Iran le 1er février 1979, il devient de facto chef du pays et souhaite la propagation de la révolution islamique aux autres pays musulmans. Il meurt le 3 mars 1989.

Quelles sont les conséquences de la révolution iranienne ?

Exaspérée par la présence des USA, la population iranienne manifeste sa colère lorsque le shah se réfugie aux USA. Alors que la population exige son extradition, Khomeini l'exhorte à manifester contre les Etats-Unis et Israël, évoquant le "Grand Satan". Des étudiants prennent alors les occupants de l'ambassade américaine en otages. La crise des otages américains dure 444 jours et se solde par l'échec de l'opération commando lancée par le président Carter. Ces événements mettent à mal les relations avec les USA et plus largement avec l'Occident.

En juillet 1980, Zbigniew Brzeziński, conseiller à la sécurité nationale des USA, et le roi Hussein de Jordanie se rencontrent à Amman. Ils prévoient d'amener Saddam Hussein à soutenir un coup d'Etat en Iran contre Khomeini. L'invasion de l'Iran par l'lrak doit être motivée par un appel à l'aide d'officiers loyalistes iraniens. Le soulèvement est prévu le 9 juillet (nom de code Nojeh), mais Khomeini est informé de l'opération par des agents soviétiques. Souhaitant que la révolution islamique s'étende, Khomeini s'attire l'inimitié des dirigeants des pays voisins. Malgré l'échec de l'opération Nojeh, la république laïque irakienne, dirigée par Saddam Hussein, envahit l'Iran : c'est le début de la guerre Iran-Irak, qui durera 10 ans. Le conflit est à la fois politico-religieux et économique, Saddam Hussein souhaitant occuper les zones pétrolifères iraniennes. Après avoir lutté contre le shah, l'Organisation des moudjahidin du peuple iranien (OMPI) refuse de céder le pouvoir à Khomeini. Elle développe sa lutte depuis l'Irak. Le 30 août 1981, elle fait exploser une bombe dans le bureau du Premier ministre, Mohammad Javad Bahonar, tuant aussi le président Mohammad Ali Rajaï et le colonel Vahid Dastjerdi, chef de la police iranienne.

La guerre civile au Liban permet à l'influence iranienne de croître, puisque le Hezbollah devient un allié proche. Cependant, le soutien de l'Iran à un groupe considéré comme terroriste va jouer un rôle non négligeable dans sa mise à l'écart par la communauté internationale. Pour finir, la révolution islamique en Iran a eu pour conséquence de faire baisser la production de pétrole et donc d'en augmenter les prix. Le deuxième choc pétrolier débute au cours de l'année 1978.

Les dates clés de la révolution iranienne

8 septembre 1978 — Vendredi noir à Téhéran
L’armée ouvre le feu sur la foule réunie place Jaleh (Téhéran) pour manifester son opposition au Shah d’Iran, Mohamed Réza. Une centaine de personnes seront tuées. C’est le début de la fin pour la monarchie des Pahlavi, fondée en 1925. En 1979, une République islamique, dirigée par l’ayatollah Khomeiny, sera instaurée.
4 novembre 1979 — Prise d’otages de Téhéran
Depuis le 22 octobre, les Etats-Unis accueillent le shah en exil. L’ayatollah Khomeini fustige le "Grand Satan", et 400 étudiants assaillent l’ambassade américaine, prenant 63 personnes en otages. Ils exigent l’extradition du shah pour le juger en Iran.
24 avril 1980 — Echec cuisant de l’opération Eagle Claw
Les Américains lancent l’opération Eagle Claw, qui doit permettre la libération et l’évacuation des otages de Téhéran. Un commando doit prendre appui secrètement dans le désert pour se rendre, à l’aide d’avions, d’hélicoptères et de camions, à l’ambassade le lendemain et ramener immédiatement les otages hors du territoire iranien. Mais l’organisation est défaillante et l’opération se transforme en fiasco avant même que la deuxième phase ne soit engagée. Sur huit hélicoptères, trois tombent en panne dès la première nuit suite à une tempête de sable. L’opération doit être annulée, mais au moment de repartir, l’expérience du pilotage en plein désert fait défaut aux pilotes et un des appareils heurte un avion entraînant la mort de huit soldats. Finalement, les otages seront libérés en 1981 par la voie diplomatique.
20 janvier 1981 — Libération des otages de Téhéran
Après l’échec d’une opération commando, c’est l’élection de Ronald Reagan à la présidence des Etats-Unis qui met un terme aux 444 jours de captivité des otages de Téhéran. Le Parti républicain est alors suspecté de transactions occultes avec le gouvernement iranien afin de s’assurer la victoire lors des élections.
30 août 1981 — Vagues terroristes en Iran
Le président iranien Mohammad Ali Rajaï et son Premier ministre Mohammad Javad Bahonar sont tués lors d’un attentat à la bombe contre le siège du Conseil des ministres à Téhéran. La nouvelle République islamique d’Iran, instaurée en avril 1979, concentre les pouvoirs dans les mains des religieux extrémistes et élimine tous les opposants comme les moudjahids du peuple et les militants du parti communiste.

XXe siècle