Guerre des Sables : entre le Maroc et l'Algérie en 1963

Guerre des Sables : entre le Maroc et l'Algérie en 1963 La guerre des Sables oppose le Royaume du Maroc à l'Algérie de septembre 1963 à février 1964. Retrouvez les causes, le déroulement et les conséquences de ce conflit armé.

Résumé de la guerre des Sables - Pendant la guerre d'Algérie, le Maroc et l'Algérie s'entendent pour renégocier le statut des territoires de Tindouf et Colomb-Béchar, à l'ouest du Sahara. Le Maroc souhaite, en effet, récupérer cette zone riche en minerai de fer et en pétrole, située en Algérie française. Au lendemain de l'indépendance, l'Algérie décide de conserver ces territoires. Les tensions montent entre les deux pays, qui s'accusent mutuellement d'ingérence dans leurs affaires intérieures. Après plusieurs incidents frontaliers, le Maroc occupe la zone de Tinjoub et Hassi Beïda, ce qui déclenche la guerre des Sables, le 14 octobre 1963.

Le conflit tourne à l'avantage du Maroc, dont les troupes sont mieux équipées. Malgré la prise de Figuig, les Algériens accusent des pertes. Après plusieurs tentatives de négociation, l'Organisation de l'unité africaine convainc les deux pays de signer un cessez-le-feu, fin octobre 1963. A la suite d'une période de reprise des hostilités, le Maroc et l'Algérie signent un cessez-le-feu définitif, le 20 février 1964. Les troupes se retirent et la frontière reste inchangée.

Quelles sont les causes de la guerre des Sables ?

La guerre des Sables commence dans un contexte de tensions entre le Maroc et l'Algérie. Au cours du XIXe siècle, la France colonise l'Algérie puis en fait un département français. La frontière entre le Maroc et l'Algérie, située dans le désert du Sahara, n'est pas clairement définie. Dans les années 1950, la France découvre des gisements de fer et de pétrole dans l'ouest de l'Algérie et crée les communes de Tindouf et Colomb-Béchar. Le Maroc, sous l'influence du Parti de l'Istiqlal, revendique cette région au nom du "Grand Maroc". La France propose alors au Maroc de lui restituer ces territoires en échange de sa neutralité dans la guerre d'Algérie. Le Maroc préfère négocier avec Ferhat Abbas, chef du gouvernement provisoire de la République algérienne. L'accord prévoit la renégociation du statut de Tindouf et Colomb-Béchar lorsque l'Algérie sera indépendante.

portrait Ben Bella
Portrait de Ben Bella © DALMAS/SIPA (publiée le 11/05/2023)

Cependant, après l'arrivée au pouvoir de Ben Bella, en 1962, il n'est plus question de restituer ces territoires au Maroc. La tension monte entre les deux pays, avec des incidents à la zone frontalière. L'armée marocaine fait plusieurs incursions en territoire algérien. Alors que des travailleurs marocains sont expulsés d'Algérie, des marchands algériens de Oujda doivent quitter le Maroc. En septembre 1963, l'agence marocaine Maghreb Arabe Presse affirme que les troupes algériennes occupent Tarfaya, Zegdou et Mrija. Les Marocains prennent Tinjoub et Hassi Beïda, les perdent, puis les reconquièrent le 14 octobre 1963. Le 15 octobre, l'Algérie décide la mobilisation générale.

Comment s'est déroulée la guerre des Sables ?

portrait Houari Boumédiène
Portrait de Houari Boumédiène © DALMAS/SIPA (publiée le 11/05/2023)

La prise de Tinjoub et Hassi Beïda par les forces marocaines, le 14 octobre 1963, marque le début de la guerre des Sables. Les Algériens répliquent et décident d'ouvrir un nouveau front plus au nord et occupent le village marocain d'Ich. Les tentatives de l'armée algérienne de reprendre Tinjoub et Hassi Beïda échouent. L'Armée nationale populaire (ANP), commandée par Houari Boumédiène, compte sur ses vétérans de la guerre d'Algérie. Néanmoins, elle est mal équipée et fait face à des problèmes logistiques. L'Egypte envoie un millier de soldats pour prêter main-forte à l'Algérie. Cuba apporte aussi son aide en envoyant 686 soldats, des avions, des blindés soviétiques T-34 et des canons. En face, les Forces armées royales du Maroc reçoivent des armes françaises. Leur équipement est supérieur à celui des troupes algériennes.

Le 18 octobre 1963, les Algériens poussent jusqu'à l'oasis marocaine de Figuig. Le 25 octobre, ce sont les Marocains qui capturent près de 200 soldats algériens à Hassi Beïda. Poursuivant leur avancée vers l'est, les forces marocaines arrivent à 12 km de Tindouf, le 28 octobre. Pourtant, ils s'abstiennent de prendre la ville. Les historiens supposent que Charles de Gaulle, souhaitant un "statu quo des frontières", serait intervenu pour dissuader le Maroc de prendre Tindouf.

La Ligue arabe puis l'Organisation de l'unité africaine (OUA) tentent de réconcilier les deux pays, en vain. Alors que l'Algérie en appelle à l'OUA, le Maroc demande une médiation de l'ONU. Finalement, l'Organisation de l'unité africaine (OUA) convainc le Maroc et l'Algérie de se rencontrer à la conférence de Bamako, les 29 et 30 octobre 1963.

Qui a participé à la guerre des Sables ?

visite Paris Hassan II
Le général de Gaulle et le roi Hassan II en visite à Paris. ©  DALMAS/SIPA (publiée le 11/05/2023)

La guerre des Sables oppose le Royaume du Maroc, dirigé par le roi Hassan II, et l'Algérie, dirigée par Ahmed Ben Bella. Ben Bella est devenu le président de la République algérienne démocratique et populaire le 15 septembre 1963. L'Algérie peut compter sur le soutien militaire de l'Egypte, dirigée par Gamal Abdel Nasser, et de Cuba, dirigé par Fidel Castro. Le Maroc, en revanche, ne dispose d'aucun allié. La position de la France est ambiguë : d'un côté, elle livre des armes au Maroc, de l'autre, elle met son aérodrome de Colomb-Béchar à la disposition des Algériens.

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Qui est le vainqueur de la guerre des Sables ?

A l'instigation de l'empereur éthiopien Haïlé Sélassié et du président du Mali, Modibo Keita, la conférence de Bamako se déroule les 29 et 30 octobre 1963. Elle prévoit notamment :

  • l'entrée en vigueur d'un cessez-le-feu le 2 novembre 1963 ;
  • la création d'une zone démilitarisée, surveillée par des observateurs maliens et éthiopiens ;
  • l'arrêt de toute attaque publique des deux pays, par voie de presse ou de radio, à compter du 1er novembre 1963 ;
  • le respect du principe de non-ingérence dans les affaires des autres Etats ;
  • le règlement par voie de négociation de tout litige pouvant survenir entre Etats africains.

Néanmoins, le conflit n'est pas résolu : le Maroc refuse de rendre Tinjoub et Hassi Beïda à l'Algérie. Il considère en effet que ces territoires font historiquement partie du Maroc. En réponse, l'armée algérienne bombarde Figuig. Les combats durent jusqu'au 5 novembre 1963, date à laquelle un nouveau cessez-le-feu est négocié.

Malgré ses succès militaires, le Maroc craint que la médiation de l'OUA ne finisse par lui être défavorable. L'Algérie, nouvellement indépendante, bénéficie du soutien de la plupart des pays d'Afrique. Le Maroc en appelle alors à l'ONU, qui refuse de s'impliquer et conseille au Royaume de respecter les accords de Bamako. Lors de la session extraordinaire du 15 au 18 novembre à Addis-Abeba, l'OUA confirme les clauses de Bamako : la frontière restera celle d'avant le début de la guerre des Sables. Le Maroc accepte finalement ces termes et signe le cessez-le-feu définitif du 20 février 1964. Les troupes algériennes et marocaines se replient.

Combien de morts a fait la guerre des Sables ?

Dans le camp marocain, le nombre de morts pendant la guerre des Sables n'est pas clairement défini. Le bilan officiel est de 39 morts, mais d'autres sources estiment que les pertes atteignent 200 morts. Du côté algérien, la guerre a fait plus de 850 morts. Ce chiffre est cité par le ministre algérien des Affaires étrangères, Ramtane Lamamra, en 2021. En 1964, le Maroc échange 379 prisonniers algériens contre 57 prisonniers marocains. Le nombre supérieur de victimes et de prisonniers algériens confirme la supériorité militaire marocaine dans ce conflit.

Quelles sont les conséquences de la guerre des Sables ?

La guerre des Sables n'entraîne aucune modification territoriale, et le Maroc cesse de revendiquer les territoires de Béchar et Tindouf. Si les relations diplomatiques reprennent entre le Maroc et l'Algérie, une méfiance réciproque s'installe entre les deux Etats.

Au Maroc, Hassan II se débarrasse de son principal opposant, Mehdi Ben Barka. Ce dernier, réfugié en Algérie, était accusé de comploter contre le roi. Il disparaîtra en 1965, probablement assassiné. L'attitude expansionniste du Maroc pendant la guerre des Sables est critiquée dans le monde arabe. Le Royaume se rapproche alors du bloc occidental pendant la guerre froide.

En Algérie, Ben Bella est critiqué pour sa gestion du conflit : l'armée s'est montrée peu efficace face aux troupes marocaines. Contrairement au Maroc, il se tourne vers les puissances communistes. Adepte du tiers-mondisme, il apporte son aide aux mouvements anticolonialistes africains. Néanmoins, il est renversé en 1965 par Houari Boumédiène.

La guerre des Sables pose le problème des frontières entre les Etats africains après le départ des puissances coloniales. Le 21 juillet 1964, l'Organisation de l'unité africaine opte pour le principe de l'intangibilité. Cela signifie que les Etats ayant accédé à l'indépendance doivent respecter les frontières dessinées par les puissances coloniales. En 1972, Hassan II et Boumédiène s'accordent sur le tracé de la frontière délimitant leurs deux pays. L'Algérie ratifie le traité dès 1973, alors que le Maroc ne le ratifie qu'en 1989.

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