Droit de grève en France : interdiction et reconnaissance

Droit de grève en France : interdiction et reconnaissance Accordé tardivement, le droit de grève en France est inscrit dans le Code du travail. Sa reconnaissance, le 27 octobre 1946, est due au Conseil Constitutionnel.

Le droit de grève en France est le fruit de longues négociations à travers les siècles. Aujourd'hui reconnu comme un droit, l'exercice de la grève est protégé par le Conseil constitutionnel ainsi que par le Code du travail. Pleinement reconnu en 1946, car inscrit dans le préambule de la Constitution, il concerne les salariés du secteur privé et ceux de la fonction publique ; même si certaines conditions diffèrent légèrement dans ce secteur-ci.   

Ainsi, parce qu'il s'inscrit dans le cadre de la loi, le droit de grève est soumis impérativement à certaines conditions. Pour être qualifié de grève, et donc légalement autorisé, l'arrêt du travail doit être : collectif, concerté, total et porteur de revendications professionnelles. Sans le respect de ces conditions, la grève est dite illicite et ne peut avoir lieu.

Qu'est-ce que le droit de grève dans le droit du travail ?

La Cours de Cassation au Palais de Justice, à Paris. © STEPHANE LEMOUTON-POOL/SIPA

Selon l'alinéa 7 du préambule de la Constitution, le droit de grève est un droit à valeur constitutionnelle. Un arrêt du 2 février 2006 de la Chambre sociale, de la Cour de cassation, fournit la définition suivante : "cessation collective, concertée et totale du travail en vue de présenter à l'employeur des revendications professionnelles."  

Comment a été instauré ce droit dans le Code du travail ?

Portée par Emile Ollivier, député républicain sous Napoléon III, la loi Ollivier du 25 mai 1864 instaure le début de reconnaissance du droit de grève, grâce à la suppression du délit de coalition, qui datait de la Révolution française. Les ouvriers et salariés sont désormais autorisés à faire grève, avec cependant certaines restrictions : ne pas entraver le travail des non-grévistes, et ne commettre aucun acte de violence. En France, la première grève nationale de revendication a lieu en 1906, pour l'obtention de la durée du temps de travail à 8 heures par jour. Il faut attendre l'année 1946 pour que la grève soit acceptée comme un droit reconnu par la Constitution.

Quelle est la date de la mise en place du droit de grève en France ?

Avant le 27 octobre 1946, la grève est considérée comme une faute contractuelle. Son exercice est considéré comme un délit passible de sanctions. C'est à cette date que la Constitution, dans son préambule, reconnaît la grève comme un droit : "Le droit de grève s'exerce dans le cadre des lois qui la réglementent."

Quelles sont les conditions de ce droit ?

Le droit de grève est un droit reconnu à tout salarié d'une entreprise, s'il respecte certaines conditions. Pour faire grève ; un arrêt collectif et concerté du travail par l'ensemble des salariés grévistes est indispensable. On entend par collectif le fait qu'au moins deux salariés décident de faire grève. Toutefois, un salarié seul peut faire grève s'il rejoint un mouvement de grève lancé à l'échelle nationale, ou si l'entreprise ne compte qu'un seul salarié. Un mouvement de grève doit d'office entraîner une cessation totale du travail et nécessite des revendications professionnelles, telles que des revendications salariales, l'amélioration des conditions de travail ou encore la préservation de l'emploi.

Notez qu'il n'existe aucune durée légale pour faire grève. Une grève peut aussi bien durer une heure que s'étendre sur plusieurs mois. Enfin, aucun salarié n'a besoin d'être syndiqué pour faire entendre son droit de grève.

Quelles sont les conditions du droit de grève dans la fonction publique ?

Dans la fonction publique, les conditions du droit de grève diffèrent du secteur privé.
Certaines formes de grèves sont, notamment, interdites :
  • La grève dite "tournante", caractérisée par un arrêt du travail par roulement concerté, et exercé par différents services au sein d'une même administration.
  • La grève dite "politique", qui se verrait non justifiée par des motifs professionnels.
  • La grève dite "sur le tas", avec occupation et blocage du lieu de travail.
Droit grève
Grève des porcelainiers en 1905, à Limoges : barricade de la rue de la Mauvendière pour le renvoi d'un directeur abusif. © COLLECTION YLI/SIPA

Contrairement au secteur privé, dans le secteur public, un préavis de grève doit être communiqué et envoyé aux autorités hiérarchiques, cinq jours ouvrés avant la date prévue de la grève. De même, certaines catégories de personnels se voient soumises à une obligation de service minimum. C'est le cas des services de la navigation aérienne et des services hospitaliers, par exemple. Dans les écoles maternelles et élémentaires, en cas de grève et d'absence des enseignants, un service d'accueil des enfants doit être mis en place par la commune ou l'Education nationale.

Enfin, certains services et professions n'ont pas le droit de faire grève :
  • les fonctionnaires actifs de la police nationale ;
  • les membres des compagnies républicaines de sécurité (CRS) ;
  • les militaires ;
  • les magistrats judiciaires ;
  • les personnels des transmissions du ministère de l'Intérieur ;
  • les gardiens de prison et les fonctionnaires extérieurs de l'administration pénitentiaire.

Quelles sont les conditions de ce droit dans les transports ?

En ce qui concerne les transports, la loi prévoit qu'un service minimum peut être instauré en cas de grève. Un dépôt de préavis d'une durée de cinq jours ouvrés est obligatoire. Les grévistes, quant à eux, doivent notifier leur intention d'exercer leur droit de grève 48 heures à l'avance. Une fois ce préavis déposé, un dialogue s'ouvre entre les syndicats, les salariés et la direction, afin de déterminer le niveau de perturbation du trafic, et de fixer les fréquences et plages horaires des différents types de transports.

Quelles sont les conséquences du droit de grève ? 

En cas de grève, le contrat de travail du salarié gréviste est suspendu, mais il n'est pas rompu. Si, dans le secteur privé, le salaire du gréviste est suspendu, pendant toute la durée de la grève, dans la fonction publique, la retenue sur salaire dépend du domaine d'activité du salarié gréviste :

  • Dans la fonction publique d'État, l'employeur prélève 1/30 de la rémunération mensuelle du salarié gréviste, même si la durée de grève est inférieure à une journée.
  • Dans la fonction publique territoriale et la fonction publique hospitalière, la retenue sur salaire des salariés grévistes est strictement proportionnelle à la durée de la grève.

En cas de grève, l'employeur ne peut pas embaucher de salariés en CDD pour pallier le manque d'effectif. S'il le fait, il encourt alors des sanctions pénales. Toutefois, si un de ses salariés est absent pour cause de maladie au moment de la grève, il peut embaucher un salarié en CDD. En ce qui concerne la rémunération, l'employeur n'est plus tenu de verser la rémunération du salarié. La retenue sur salaire doit correspondre exactement au temps de travail non travaillé, durant lequel le salarié était en grève.

La grève peut également générer des conséquences plus ou moins néfastes à l'égard des tiers (clients, usagers, fournisseurs, etc.). Cependant, elle ne peut en aucun cas constituer une excuse ni un cas de force majeure, autorisant l'employeur à se décharger de sa responsabilité. Il se doit de tout mettre en œuvre pour limiter les conséquences néfastes de la grève à l'égard des tiers.

Quelles sont les limites de ce droit ?

Bannières grévistes contre la "loi Travail" de 2016, sur la Statue de la Place de la République. © Guillaume Louyot - stock.adobe.c

Si l'exercice de la grève est un droit, il n'est cependant pas un droit absolu. L'une des rares et seules limites au droit de grève est l'abus. Ainsi, des démarrages et des arrêts répétés et de courte durée d'une grève peuvent constituer un abus d'exercice du droit de grève. Cet abus est reconnaissable dès lors qu'il s'inscrit dans une volonté de désorganiser l'entreprise, ou encore de nuire à sa situation économique. Enfin, s'il manque une des conditions nécessaires à l'exercice du droit de grève : "cessation collective, concertée et totale du travail en vue de présenter à l'employeur des revendications professionnelles", celui-ci ne peut être reconnu, et est donc caractérisé d'illicite.

Quelle est la différence entre le droit de grève et le droit de retrait ?

Lorsque la situation ou les conditions de travail présentent un danger grave et imminent pour soit la santé, soit la vie du salarié, celui-ci peut alors quitter son poste de travail ou refuser de s'y installer sans obtenir l'accord de son employeur : c'est ce qu'on appelle exercer son droit de retrait.

droit de grève : les dates clés

14 juin 1791 - Loi Le Chapelier
Promulguée en France le 14 juin 1791, la loi Le Chapelier interdit la liberté d'association professionnelle entre individus et concerne tous les corps de métier : maîtres, ouvriers et apprentis.
25 mai 1864 - Loi Ollivier
La loi Ollivier du 25 mai 1864 permet aux ouvriers de faire grève s'ils respectent certaines conditions : ne pas empêcher le travail des non-grévistes et ne pas commettre d'acte de violence.
21 mars 1884 - Loi Waldeck-Rousseau
Première loi autorisant la création de syndicats en France, la loi Waldeck-Rousseau du 21 mars 1884 abolit la loi Le Chapelier, qui interdisait tous regroupements et associations professionnels.
27 octobre 1946 - Préambule de la Constitution
Au-delà des droits individuels énoncés dans la Déclaration des droits de l'homme, le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 reconnaît l'existence de droits économiques et sociaux.
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