Manifeste de Brunswick : l'intimidation de Paris en 1792

Manifeste de Brunswick : l'intimidation de Paris en 1792 Le manifeste de Brunswick est un texte écrit le 25 juillet 1792. Son but ? Empêcher les révolutionnaires parisiens de s'en prendre à Louis XVI et à sa famille. Le texte provoque finalement la prise des Tuileries.

Résumé du manifeste de Brunswick - Le manifeste de Brunswick est un document écrit le 25 juillet 1792 par le duc de Brunswick, chef des armées prussiennes. Par ce texte, le duc exige que les révolutionnaires parisiens cessent leurs activités et rétablissent Louis XVI dans ses pouvoirs. Le manifeste menace également de punitions sévères toute attaque du château des Tuileries ou toute atteinte portée à la famille royale. Pour mieux comprendre, cette lettre a été écrite trois ans après le début de la Révolution française. A la suite de la fuite de Varennes, le roi de France a perdu la confiance des Français. Il est contraint d'accepter une monarchie constitutionnelle (monarchie où les pouvoirs du roi sont limités) et vit sous surveillance aux Tuileries. Il a perdu le pouvoir absolu et divin de ses ancêtres. Les royaumes voisins ne peuvent accepter que des révolutionnaires prennent le pouvoir en France et soutiennent Louis XVI. La guerre est déclarée en avril 1792. Sur les conseils de contre-révolutionnaires émigrés, le duc de Brunswick écrit son manifeste qui paraît le 3 août 1792 dans la presse française. Le texte provoque la colère des Parisiens qui envahissent le palais des Tuileries le 10 août 1792. La monarchie est finalement abolie et la famille royale emprisonnée avant son procès.

Pourquoi le manifeste de Brunswick est-il rédigé ?

Le manifeste de Brunswick est rédigé en juillet 1792. Que faut-il retenir du contexte de l'époque ? La Révolution française a débuté trois ans auparavant par une succession d'évènements fondateurs : la convocation des états généraux, la création d'une assemblée constituante et la prise de la Bastille dont la date du 14 juillet 1789 reste symbolique. Face à la pression révolutionnaire, Louis XVI est impuissant. L'Assemblée proclame la fin du régime féodal et des privilèges. La Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen est également votée.

En juin 1791, Louis XVI sent que son pouvoir lui échappe. Il refuse d'abdiquer et décide de quitter Paris pour se réfugier dans l'est de la France. Son évasion est fixée au 20 juin de cette même année. Le lendemain soir, le roi et sa famille sont finalement arrêtés à Varennes, dans la Meuse. En septembre 1791, une constitution limitant les pouvoirs du roi est adoptée, établissant ainsi une monarchie constitutionnelle. C'est la fin de la monarchie absolue de droits divins des rois de France.

La France déclare la guerre à l'Autriche le 20 avril 1792. François Ier d'Autriche, qui n'est autre que le neveu de Marie Antoinette, s'allie au royaume de Prusse pour marcher sur la France. De façon générale, les royaumes étrangers craignent que la Révolution ne s'étende en dehors de la France. En juin 1792, les révolutionnaires envahissent le palais des Tuileries et menacent Louis XVI. Ils demandent au roi de lever son veto sur les décrets concernant la déportation des prêtres réfractaires et la création d'un camp de gardes nationaux, mais le souverain refuse de céder. L'idée de faire peur aux révolutionnaires germent alors du côté des royalistes.

Qui est l'auteur du manifeste de Brunswick ?

portrait Brunswick
Portrait du duc de Brunswick © MARY EVANS/SIPA (publiée le 11/05/2023)

Si le manifeste a été attribué au duc de Brunswick-Lunebourg (Charles-Guillaume-Ferdinand), il a en réalité été rédigé par des émigrés favorables au roi ayant choisi de fuir la Révolution française. Entre le 14 juillet 1789 et 1815, environ 140 000 Français se rendent dans différentes zones d'émigration telles que le Bas-Canada (une colonie britannique), l'Angleterre, la Suisse, l'Allemagne, l'Autriche, l'Espagne, l'Italie, les Etats-Unis ou encore la Russie. C'est Axel de Fersen, un comte suédois favori de Marie-Antoinette, qui est à l'initiative du manifeste de Brunswick. Il participe d'ailleurs à la fuite de Varennes en 1791. En juillet, Axel de Fersen contribue à préparer une coalition européenne contre la Révolution française et espère une victoire rapide ainsi qu'un retour de la monarchie absolue. Plus concrètement, c'est Geoffroy de Limon (homme politique français) et Jean-Joachim Pellenc (ancien secrétaire de Mirabeau) qui ont écrit le texte. Louis XVI, qui savait qu'un manifeste était en cours d'élaboration, envoie Jacques Mallet du Pan pour y participer et éviter les menaces envers les révolutionnaires. Or, ses instructions ne sont pas respectées et le manifeste est envoyé le 25 juillet 1792. A ce jour, on ignore si le duc de Brunswick a réellement signé le texte qui porte son nom.

A qui est adressé le manifeste de Brunswick ?

Le manifeste de Brunswick est publié le 3 août 1792 dans Le Moniteur universel, un journal français créé en 1789 par Charles-Joseph Panckoucke. Ce média est connu pour avoir été un journal de propagande et organe officiel du gouvernement. Le texte s'adresse à "la ville de Paris" et à "tous ses habitants sans distinction". Plus précisément, il vise la population française et les forces révolutionnaires qui souhaitent destituer Louis XVI. Voici un extrait du manifeste de Brunswick :

Quelle menace constitue le manifeste de Brunswick ?

Le manifeste de Brunswick est sans appel : il ordonne aux révolutionnaires de "retourner sans délai aux voies de la raison et de la justice, de l'ordre et de la paix". Tous les habitants de la ville de Paris sont "tenus de se soumettre sur le champ et sans délai au roi". En plus d'exhorter les citoyens à stopper immédiatement la révolution, le texte menace une destruction de la capitale et des représailles terribles. "Que si le château des Tuileries est forcé ou insulté, que s'il est fait la moindre violence, le moindre outrage à Leurs Majestés, le roi, la reine et la famille royale (…), elles en tireront une vengeance exemplaire et à jamais mémorable en livrant la ville de Paris à une exécution militaire". C'est dans la seconde partie du manifeste que se trouvent les menaces contre les révolutionnaires. Dans la première partie, les rédacteurs expliquent pourquoi la Prusse et ses alliés s'opposent à la nouvelle forme de gouvernance instituée en France. Les opposants à la Révolution sont d'ailleurs la "partie saine de la nation". Ce texte est un appel à "faire cesser l'anarchie dans l'intérieur de la France". Lire le manifeste de Brunswick.

Quelles sont les conséquences du manifeste de Brunswick ?

Prise des Tuileries
L'attaque du palais des Tuileries, le 10 août 1792. © MARY EVANS/SIPA (publiée le 11/05/2023)

La parution du manifeste de Brunswick n'a pas eu l'effet escompté, à savoir faire peur aux révolutionnaires pour qu'ils se tournent à nouveau vers leur roi. Au contraire, la Révolution s'est immédiatement radicalisée. Après la publication, le 3 août, un assaut se produit sur les Tuileries le 10 août 1792. Les révolutionnaires s'emparent du palais, qui est le siège du pouvoir exécutif, et parviennent à vaincre les 900 gardes suisses. Louis XVI et la famille royale trouvent refuge à l'Assemblée nationale. Cette dernière choisit de suspendre le roi. Lui et sa famille sont transférés au couvent des Feuillants, un monastère parisien, et vivent dans le dénuement pendant trois jours. Le 13 août, ils prennent la direction de la prison du Temple.

► Prise des Tuileries : la révolte parisienne du 10 août 1792

En parallèle à cette incarcération, la ville de Paris est le siège de nombreuses tensions : tous les ennemis de la République sont traqués et les prisons regorgent de royalistes et de réfractaires. Début septembre 1792, les révolutionnaires les plus virulents massacrent plus de 1 300 détenus dans différentes prisons pour se venger. Les "septembriseurs" agissent notamment à la prison de l'Abbaye, à la prison de la Force ou encore à la prison du Grand Châtelet. Ces exécutions sommaires ont également lieu en province (Orléans, Reims, Versailles…) et ont fait plus de 150 morts. Le climat est oppressant, sachant que l'invasion austro-prussienne se poursuit.

Le 20 septembre, les violences se poursuivent avec la bataille de Valmy : les Prussiens, qui ont franchi l'Argonne (région naturelle située dans le nord-est de la France), tentent de marcher sur Paris. Deux généraux, François Christophe Kellermann et Charles François Dumouriez, parviennent à arrêter l'avancée prussienne dans le village de Valmy. Cette bataille est la première victoire de l'armée française dans le cadre des guerres de la Révolution.

Le procès de Louis XVI est ouvert le 11 décembre 1792 et dure jusqu'à mi-janvier 1793. Le 21 janvier de cette même année, le roi est guillotiné place de la Révolution (aujourd'hui place de la Concorde).