Trente Glorieuses : définition, résumé de la période 1945 - 1973

Trente Glorieuses : définition, résumé de la période 1945 - 1973 De 1945 à 1973, les pays développés connaissent une période de croissance économique. La production industrielle s'accroît, créant de l'emploi et augmentant le niveau de vie : les Trente Glorieuses.

Résumé des Trente Glorieuses - On appelle rétrospectivement "Trente Glorieuses" la période qui s’étend de la fin de la Seconde Guerre mondiale (1945) au premier choc pétrolier de 1973. La France, comme tous les autres pays développés, connaît alors 28 années de croissance à la fois économique et démographique (baby-boom). Les importants progrès techniques mènent à une hausse de la production industrielle et donc au plein-emploi. Enfin, les familles françaises bénéficient d’une amélioration de leur niveau de vie grâce au travail des femmes.

Comment définir la période des Trente Glorieuses ?

On tient l’expression "Trente Glorieuses" de l’économiste français Jean Fourastié qui publie, en 1979, un ouvrage intitulé Les Trente Glorieuses, ou la révolution invisible. S’il qualifie d’"invisible" la révolution industrielle, économique et démographique qui marque l’après-guerre, c’est qu’elle est passée inaperçue sur le moment. Ce n’est que rétrospectivement que cette période de quasiment trente ans (1945-1973) apparaît comme un véritable âge d’or. En effet, la France, qui sort tout juste de la Seconde Guerre mondiale, entame avec succès sa reconstruction. Le progrès technique et le développement de l’Industrie aboutissent au plein-emploi, c’est-à-dire que l’ensemble de la population active n’a alors aucun mal à trouver un travail. La croissance du PIB français grimpe même jusqu’à 7 % par an. Le pouvoir d’achat des familles ne cesse d’augmenter et la démographie est, elle aussi, en plein essor : on parle de baby-boom, et encore aujourd’hui, on nomme "boomers" les personnes nées durant cette période.

Quelles sont les causes des Trente Glorieuses ?

session conférence Bretton Woods 1944
Vue générale d'une session de la conférence monétaire des Nations Unies à Bretton Woods © ABE FOX/AP/SIPA (publiée le 09/03/2023)

En juillet 1944, 44 pays se réunissent à Bretton Woods, sur le continent américain, pour réorganiser l’économie mondiale. Ces pays, dont la France, sont alors ligués contre les puissances de l’Axe (Allemagne, Japon, Italie) et préparent l’après-guerre, sous l’égide des Etats-Unis. Le dollar devient la monnaie de référence, sa valeur étant définie par le cours de l’or. Les accords de Bretton Woods fondent également une Banque mondiale (la BIRD) et le célèbre FMI (Fonds monétaire international), censés aider les pays membres à gérer au mieux leur économie. Une fois la guerre finie, les Etats-Unis décident d’aider l’Europe à se reconstruire via le plan Marshall. Celui-ci s’inscrit dans le cadre de la doctrine Truman qui souhaite éviter une multiplication des régimes communistes en Europe (nous sommes alors en pleine guerre froide). Le plan Marshall garantit donc une importante aide financière aux pays qui acceptent de se regrouper derrière les USA pour lutter contre "le péril rouge". Grâce à ce soutien économique, la France — affaiblie par les conflits — retrouve en cinq ans sa prospérité d’avant-guerre et finit même par la dépasser largement. Les progrès techniques entraînent une hausse de la productivité et l’industrie est en plein essor. Cet essor est facilité par le fait que les énergies sont alors à bas coût, surtout les énergies fossiles. En bref, la gestion économique de l’après-guerre, mise en place par les Etats-Unis, mène les pays occidentaux vers une période de prospérité et d’expansion démographique (baby-boom) : ce sont les Trente Glorieuses.

​​​​​​Comment la croissance économique des Trente Glorieuses a-t-elle transformé la société française ?

Les Trente Glorieuses ont un fort impact sur la société française. L’essor de l’industrie crée tellement d’emplois que le taux de chômage est inférieur à 2 % entre 1950 et 1960. A partir de 1965, une loi rend possible le travail des femmes sans l’accord préalable de leur mari. En plus d’entamer un changement dans les mentalités et d’affaiblir la domination masculine, cette loi bouleverse l’organisation de la famille européenne et augmente le pouvoir d’achat des foyers. Ajoutons à cela que l’inflation est alors inférieure à 5 % par an, participant également à l’enrichissement des Français. Cette croissance mène au "baby-boom", une explosion démographique avec un taux de natalité de 20,6 % en 1950 (ce même taux est de 10,6 % pour l’année 2022, en France). Comme il y a plus de naissances et que l’espérance de vie est plus longue, les familles consomment davantage. C’est au cours de ces Trente Glorieuses que les sociétés européennes se transforment en "sociétés de consommation", le progrès technique participant à l’équipement des ménages : automobile, réfrigérateur, lave-linge et même — dans le courant des années 60 — télévision.

Quels autres pays ont connu les Trente Glorieuses ?

La France a connu une croissance rapide, mais ce n’est pas la seule. En effet, la création de la CEE (Communauté économique européenne), avec l’abolition des barrières douanières, et celle de la CECA (Communauté européenne du Charbon et de l’Acier), facilite les échanges économiques. C’est ainsi que les pays européens (Allemagne, France, Italie…) deviennent les principaux exportateurs, juste derrière les Etats-Unis. Ils s’enrichissent donc prodigieusement. Sur l’ensemble des Trente Glorieuses, les pays de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) affichent un taux de croissance moyen de 4 % par an (la France est montée jusqu’à 7 %). Cependant, les pays ne progressent ni au même rythme ni avec la même intensité, on distingue donc trois catégories :

  • les pays avec une croissance modérée, à savoir les Etats-Unis (3,5 %) et la Grande-Bretagne (2,7 %) ;
  • les pays avec une forte croissance : l’Espagne (6 %), l’Italie (5,5 %), la Suisse (5,2 %), la France (5,1 %) et la RFA (5,1 %) ;
  • un unique pays avec une croissance exceptionnelle : le Japon (10 %).

Chacun de ces pays considère ces trente années comme un âge d’or, on parle de "miracle économique". C’est une véritable revanche pour les vaincus de la Seconde Guerre mondiale. Cette prise de conscience est toutefois toujours rétrospective. Notons d’ailleurs que le Royaume-Uni, le Portugal et l’Irlande sont à la traîne dans cette "révolution invisible", avec une croissance beaucoup plus lente que celle de leurs voisins.

Comment expliquer la fin des Trente Glorieuses ?

En 1973, l’Egypte et la Syrie s’allient pour attaquer Israël par surprise, et reprendre les territoires conquis lors de conflits précédents : c’est la Guerre du Kippour. En pleine guerre froide, cet affrontement ne concerne pas seulement l’alliance panarabe et le tout récent Etat d’Israël : l’URSS arme et finance l’Egypte et la Syrie, tandis que les pays européens, rangés derrière les Etats-Unis, soutiennent Israël. En représailles, les pays arabes déclarent un embargo sur le pétrole. C’est le premier choc pétrolier. Il met fin aux Trente Glorieuses et plonge le monde dans une profonde crise économique. Cette dernière s’aggravera encore avec le second choc pétrolier de 1979, dû cette fois-ci à la révolution islamique en Iran qui renverse le régime du Shah. Ces deux crises successives prouvent que la dépendance au pétrole des pays occidentaux les rend très vulnérables. En 1971, le président Nixon annonce la fin de la convertibilité or/dollar et signe ainsi la fin des accords de Bretton Woods. Le déficit budgétaire américain s'est creusé avec la guerre du Viêt Nam (1955-1975). Celle-ci se termine par la défaite des Etats-Unis face aux Soviétiques. Elle provoque l’inflation du dollar, aggravant encore la situation économique et divisant fortement l’opinion publique. Devenus méfiants face au géant américain, la France et l’Allemagne créent en 1979 un système monétaire européen avec l’ECU, bouleversant tout ce qui avait été mis en place lors des Trente Glorieuses.

​​​​Quelles sont les conséquences des Trente Glorieuses ?

présentation Fiat 500 salon auto 1957
Présentation de la Fiat 500 2cv au salon de l'auto 1957 © UNIVERSAL PHOTO/SIPA (publiée le 09/03/2023)

Les Trente Glorieuses engendrent d’importantes transformations pour les pays occidentaux et pour le Japon. Leurs progrès économiques et sociaux, la hausse de la productivité (modernisation de l’agriculture, développement d’une méthode de travail "à la chaîne", plus efficace…), leur ont permis de rattraper les Etats-Unis, jusqu’alors très en avance. Comme le chômage est au plus bas, que les femmes elles-mêmes ont maintenant le droit de travailler et que l’inflation est faible, les foyers européens s’enrichissent. Avec la hausse de la natalité couplée à l’allongement de l’espérance de vie, ils consomment davantage, et de plus en plus longtemps. C’est l’éclosion d’une société de consommation et de loisirs, qui voit s’allonger ses congés payés (trois semaines en 1956 et quatre en 1965). Puisque les travailleurs sont mieux rémunérés (en 1950, on fixe un salaire minimum : le SMIG), et qu’ils peuvent s’octroyer des vacances, ils se mettent à voyager : le tourisme se développe. On assiste en parallèle à un exode rural, puisque l’industrie détrône l’agriculture, en devenant le secteur qui emploie le plus. Les ruraux vont donc en ville, chercher du travail.

Terminons en nuançant l’image très positive des Trente Glorieuses : la condition ouvrière, bien que meilleure, demeure pénible ; le lien social se détériore ; le lien familial aussi. Enfin, en entrant dans une ère de consommation, on se dirige peu à peu vers la surconsommation et le gaspillage. Il s’agit là d’un tournant dans l’économie mondiale… pour le meilleur et pour le pire.

Les dates clés des Trente Glorieuses

1er juillet 1944 — Conférence de Bretton Woods
Du 1er au 22 juillet, 44 pays (dont la France, représentée par Mendès France) se réunissent pour une conférence monétaire internationale, à Bretton Woods aux Etats-Unis. Dans ce contexte de guerre froide, tous sont unis contre les puissances de l’Axe, l’Allemagne, l’Italie et le Japon. Pour assurer la reconstruction du monde après la guerre, ils créent le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD). Ils adoptent également le "Gold Exchange Standard" (l’étalon de change-or) : le dollar est instauré comme monnaie de référence et sa valeur est définie sur celle de l’or.
20 décembre 1945 — Création du franc CFA
Le franc CFA est créé le 26 décembre 1945 après la signature par la France des accords de Bretton Woods. Il signifie franc des colonies françaises d’Afrique. En 1945, 1 franc CFA vaut 1,70 franc métropolitain. A partir de 1948, 100 francs CFA valent 200 francs français. La création du franc CFA a pour but de restaurer l’autorité monétaire de la France dans les colonies, qui ont été éloignées du franc lors de la Seconde Guerre mondiale.
27 décembre 1945 — Création du FMI
Suite à la conférence monétaire et financière des Nations Unies de Bretton Woods, en juillet 1944, le Fonds Monétaire International est créé pour reconstruire l’Europe dans un premier temps, puis pour assurer un développement harmonieux dans le monde. L’Organisation internationale sera homologuée par l’ONU en novembre 1947. Son siège sera établi à Washington. Elle est composée de 182 pays membres qui veillent à la stabilité et la liberté des échanges en accordant des prêts aux pays se trouvant dans l’obligation d’assainir ou de relever leur économie. Dans le même temps, une autre organisation voit le jour, la Banque Internationale pour la Reconstruction et le Développement (BIRD) également appelée Banque Mondiale. Elle fonctionnera en binôme avec le FMI.
27 décembre 1945 — Fondation de la Banque mondiale
A la suite de l’accord de Bretton Woods, signé en juillet 1944, la banque mondiale est créée sous le nom de Banque internationale pour la reconstruction et le développement. Le but de cette création est d’aider à la reconstruction de l’Europe et du Japon après la Seconde Guerre mondiale. Le premier prêt est accordé à la France et se monte à 250 millions de dollars. A partir des années soixante, elle aide à la croissance économique des pays en voie de développement.
8 avril 1946 — Nationalisation d’EDF-GDF
L’Assemblée nationale vote la loi de nationalisation des secteurs de l’énergie. Les biens des entreprises de production, de transport et de distribution de l’électricité sont transférés à la société Electricité de France qui devient un établissement public d’Etat. Sur le même modèle, le secteur du gaz est nationalisé avec la création de Gaz de France (GDF).
5 juin 1947 — Le plan Marshall pour reconstruire l’Europe
Le secrétaire d’Etat américain George Catlett Marshall met sur pied un programme pour aider financièrement l’Europe à se reconstruire après la Seconde Guerre mondiale. Mise en place dans le cadre de la doctrine Truman, cette aide indigne l’URSS qui fait pression sur les pays d’Europe centrale pour qu’ils la refusent. Le plan Marshall est toutefois très bien accueilli en Europe occidentale : celle-ci crée l’Organisation européenne de coopération économique (OECE) pour une répartition équitable des sommes données par les Etats-Unis.
25 janvier 1948 — Dévaluation du franc
La monnaie française, qui ne cesse de perdre de la valeur depuis la fin de la guerre, est dévaluée de 80 % par le gouvernement Schuman. Un dollar vaut alors 214 francs au lieu de 119. Cette dévaluation réduit le pouvoir d’achat des foyers français.
16 avril 1948 — Création de l’OECE
Afin de répartir les aides financières proposées par le plan Marshall pour faciliter la reconstruction européenne, des organismes administratifs communs sont mis en place. Ainsi, l’Organisation européenne de coopération économique (OECE) est créée et chargée de dépenser équitablement les crédits entre les différents Etats d’Europe occidentale. Son but consiste aussi à renforcer les relations économiques entre ses dix-sept membres ainsi que de libéraliser les échanges commerciaux et monétaires. Mais à la fin des années 1950, l’OECE sera fragilisée par les désaccords entre les membres de la CEE et les Etats favorables à une zone de libre-échange. En 1961, l’OECE laissera place à l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).
11 février 1950 — Création du SMIG
Le Salaire minimum interprofessionnel garanti (SMIG) entre en vigueur en France. Le nouveau dispositif impose le principe d’une rémunération minimale en dessous de laquelle aucun salarié ne peut être payé. Déterminé en fonction du budget type d’un ménage, le SMIG permet aussi de garantir un pouvoir d’achat minimum aux ménages les plus modestes. A partir de 1952, le SMIG sera indexé sur les prix. Le 21 janvier 1970, il sera remplacé par le SMIC (Salaire minimum interprofessionnel de croissance). Mais la loi de 1950 permet aussi de restaurer les conventions collectives supprimées lors du régime de Vichy. Toutefois, des modifications seront instaurées vis-à-vis de la loi de 1936.
27 décembre 1958 — Adoption du nouveau franc
Le Conseil des ministres adopte le Plan Rueff-Pinay qui prévoit la création du nouveau franc. L’ancien franc sera divisé par 100. Cette mesure vise à assainir le budget et à assurer l’intégration économique de la France dans l’aventure européenne. Le nouveau franc sera mis en circulation à partir du 1er janvier 1960. Désormais 494 anciens francs vaudront 4,94 nouveaux.
13 juillet 1965 — La femme est libre de travailler
Une loi et promulguée en France et permet à la femme de travailler sans l’accord de son mari. Elle autorise également les épouses à gérer leurs biens librement. Elles peuvent désormais ouvrir un compte à leur nom, même contre l’avis de leur mari. En 1938, l’incapacité de la femme mariée, citée dans le Code civil de 1804, avait déjà été supprimée, affaiblissant la domination de l’homme sur son épouse.

XXe siècle