Deuxième République française : l'échec d'un régime (1848-1852)

Deuxième République française : l'échec d'un régime (1848-1852) Le 24 février 1848, la Deuxième République est proclamée. Elle marque la fin de la monarchie de Juillet. Louis-Napoléon Bonaparte mettra un terme à ce régime par son coup d'Etat du 2 décembre 1851.

Résumé de la Deuxième République - L'année 1848 signe la fin de la monarchie de Juillet, régime monarchique constitutionnel, avec l'abdication du roi Louis-Philippe. C'est le poète Lamartine qui annonce la naissance de la république et l'installation d'un gouvernement provisoire le 24 février 1848. Cette république est idéalisée et porteuse de nombreux espoirs, notamment au niveau social. Toutefois, des tensions se font bientôt sentir, à la fois sur le plan de l'idéologie politique, mais également au niveau sociétal, économique et social. Alors qu'il est le premier président de la République élu, Louis-Napoléon Bonaparte met fin à la Deuxième République en organisant un coup d'Etat le 2 décembre 1851. Il rétablit l'Empire l'année suivante, le 2 décembre 1852.

Comment la Deuxième République a-t-elle été mise en place ?

La Seconde République est née du refus de François Guizot, chef du gouvernement sous la monarchie de Juillet, de mettre en place des réformes, et de son incapacité à résoudre la crise économique des années 1840. Le peuple se soulève le 23 février 1848, et le roi Louis-Philippe Ier, vieillissant, abdique rapidement en faveur de son petit-fils. Mais les chefs républicains, parmi lesquels Lamartine, Crémieux, Arago, Ledru-Rollin, mettent en place un gouvernement provisoire le 24 février 1848 qui organise rapidement les premières élections au suffrage universel (masculin).

Pourquoi la Deuxième République a-t-elle été créée ?

La révolution de février 1848 est survenue en raison de la grave crise économique et sociale qui affecte la France au milieu des années 1840. La multiplication des mauvaises récoltes, la hausse du prix des denrées alimentaires, l'exode rural, la faillite d'entreprises sèment la misère et un climat de peur sociale qui se traduit par des émeutes. Le refus du chef de gouvernement de faire des réformes pour élargir le corps électoral conduit à l'échec de la monarchie de Juillet. L'abdication du roi Louis-Philippe est suivie de la démission de la Chambre. La duchesse d'Orléans, chargée de la régence jusqu'à la majorité du petit-fils et successeur désigné par Louis-Philippe, veut se faire investir par les députés, mais le Palais Bourbon est déjà envahi par les chefs républicains insurgés, qui décident de mettre en place un gouvernement provisoire. 

Quelle est la politique menée sous la Deuxième République ?

La Deuxième République adopte une nouvelle Constitution le 4 novembre 1848, qui institue le principe de la séparation des pouvoirs et l'élection d'un président de la République. Le premier, Louis-Napoléon Bonaparte, est élu le 10 décembre 1848. La jeune République va également multiplier les réformes, à la fois électorales, sociétales, politiques, comme : 

  • l'adoption du suffrage universel (sous-entendu masculin),
  • l'abolition de la peine de mort pour des motifs politiques,
  • l'abolition de l'esclavage dans les colonies françaises,
  • la création des ateliers nationaux, pour lutter contre le chômage,
  • la limitation de la journée de travail à 10 heures,
  • la garantie de la liberté de la presse et de réunion,
  • la conquête de l'Algérie.

En avril 1848, lors des élections de l'Assemblée constituante, les monarchistes gagnent du terrain. Les journées de juin 1848 mènent à la répression des insurgés et à la nomination du général Eugène Cavaignac comme chef du gouvernement. Puis en mai 1849, les élections législatives donnent la majorité aux conservateurs, ce qui signe l'échec de la gauche et des socialistes et le basculement de la Seconde République vers un régime conservateur.

Pourquoi la Seconde République est-elle considérée comme un échec ?

L'avènement d'une République conservatrice mène à l'abrogation de certaines mesures phares prises au début de la Deuxième République. Ainsi, la liberté de la presse est restreinte, la loi des Burgraves réduit le corps électoral aux personnes pouvant justifier d'une durée de domiciliation de trois ans dans le même canton. Après l'élection de Louis-Napoléon Bonaparte comme président de la République, les tensions déjà présentes au sein du pays et des partis politiques s'accroissent. Les lois prises par le gouvernement pour apporter des solutions à la crise économique et sociale, notamment la fin de la limitation du temps de travail et la disparition des ateliers nationaux, sont contestées par les socialistes, qui sont poursuivis en justice. Certains s'exilent. La classe bourgeoise qui a peur de nouvelles émeutes, soutient les décisions de plus en plus autoritaires du gouvernement, ouvrant ainsi la voie à Louis-Napoléon Bonaparte et au Second Empire.

Comment la Deuxième République laisse-t-elle place au Second Empire ?

Elu président à une large majorité (plus de 74 % des suffrages) et bénéficiant d'un soutien populaire, Louis-Napoléon Bonaparte, futur Napoléon III, met à mal la séparation des pouvoirs en exigeant une révision de la Constitution de 1848 afin de pouvoir briguer un deuxième mandat. L'Assemblée refusant d'obtempérer, le président organise un coup d'Etat le 2 décembre 1851. Avec le soutien de l'armée, Louis-Napoléon dissout l'Assemblée, constitue un nouveau gouvernement et annonce un référendum pour approuver la Constitution de 1852 qui octroie au dirigeant les pouvoirs exécutifs et législatifs. L'opposition se soulève, mais la répression est sanglante. Les arrestations se multiplient, tandis que certains choisissent l'exil comme Victor Hugo. Lors du plébiscite organisé les 21 et 22 décembre 1851, le "oui" l'emporte pour un changement de Constitution. Louis-Napoléon Bonaparte devient président pour dix ans. Le Corps législatif et le Sénat viennent remplacer l'Assemblée. Un sénatus-consulte annonce finalement le rétablissement de l'Empire le 7 novembre 1852 et Napoléon III est proclamé empereur le 2 décembre 1852. C'est la fin de la Deuxième République et le début du Second Empire.

Les dates clés de la Deuxième République française

22 février 1848 – Soulèvement des Parisiens contre Louis-Philippe
Une manifestation, qui doit mener les participants de la Madeleine jusqu’au Palais Bourbon, siège de l’Assemblée législative, est organisée par les chefs de l’opposition au roi Louis-Philippe, parmi lesquels Odilon Barrot, Louis Blanc ou encore Lamartine. En fin d’après-midi, la situation dégénère et un manifestant trouve la mort. La Garde nationale refuse de tirer sur la foule, allant jusqu’à se rallier aux manifestants le 23. Poussé par l’insurrection populaire, le roi abdique le 24 en faveur de son petit-fils, le comte de Paris, âgé de 9 ans seulement. Les insurgés ne veulent pas s’en contenter et envahissent le Palais Bourbon, jusqu’à obtenir l’instauration d’une république, proclamée par Lamartine.
24 février 1848 - Naissance de la IIe République
Après trois jours d’insurrection du peuple de Paris et de la Garde nationale, du 22 au 23 février, qui mènent à l’abdication du roi Louis-Philippe et à son exil en Angleterre, la Chambre des députés démissionne et rejette l’investiture du petit-fils de Louis-Philippe. Elle forme un gouvernement provisoire, autour de Lamartine, Dupont de l’Eure, Arago, Ledru-Rollin, Garnier-Pagès, Crémieux et Marie. Cet exécutif collégial proclame immédiatement l’instauration de la Deuxième République. Pendant plusieurs semaines, la France est traversée par une euphorie liée aux mesures sociales, économiques et politiques prises par le gouvernement provisoire. Cette période est surnommée "l’illusion lyrique".
2 mars 1848 - Limitation du temps de travail en France
Sur une proposition de la Commission du Luxembourg présidée par Louis Blanc, le tout jeune gouvernement de la Deuxième République fixe la durée de la journée de travail à 10 heures à Paris et 11 heures en province. Cependant cette mesure n’aura pas l’occasion d’être appliquée puisqu’elle sera abrogée six mois plus tard.
8 mars 1848 - La Garde nationale est ouverte à tous les citoyens
La milice bourgeoise créée sous la Révolution pour contrôler les débordements populaires devient ouverte à tous. Désarmée par Napoléon et ayant repris du service sous la Restauration et la Monarchie de juillet, cette milice fut un élément déterminant pour la réussite ou l’échec des insurrections. Ainsi, en 1830 (dissoute, mais non désarmée) comme en février 1848, elle a fortement contribué à faire tomber les régimes en place. Cette ouverture à l’ensemble des Français est symbolique et, tout comme le suffrage universel, donne le sentiment d’être représentative (du moins de droit) de l’ensemble de la population. Toutefois, elle deviendra trois mois plus tard une arme de répression féroce contre les Ateliers nationaux, phénomène qui se reproduira en 1871 avec la Commune de Paris.
23 avril 1848 - Premières élections au suffrage universel
Le gouvernement provisoire instaure le suffrage universel masculin le 2 mars 1848, faisant de la France le premier pays à adopter ce type de suffrage dans le monde. Tous les Français (hommes) âgés de plus de 21 ans sont ainsi appelés à voter pour élire les députés qui composeront l’Assemblée constituante. La constitution de la Deuxième République est alors votée le 4 novembre 1848. Elle prévoit l’élection du président de la République, chef de l’exécutif, au suffrage universel masculin. Le président est élu pour quatre ans et ne peut pas être candidat à sa propre succession. L’Assemblée législative, qui est élue pour trois ans selon le même type de scrutin, vote les lois et contrôle le gouvernement. Toutefois, elle ne prévoit rien pour régler les conflits entre l’exécutif et le législatif.
27 avril 1848 - Abolition de l’esclavage dans les colonies françaises
L’abolition de l’esclavage a tout d’abord été mise en place durant la Révolution française en 1792 grâce à Henri Grégoire. Sous Napoléon Bonaparte, elle est restaurée. C’est en 1848, lors du gouvernement provisoire de la Deuxième République, que la mesure est définitivement adoptée. Victor Schœlcher, sous-secrétaire du ministre François Arago, est en grande partie responsable de l’adoption du décret d’abolition de l’esclavage dans les colonies françaises, le 27 avril 1848.
28 avril 1848 - Apparition de l’"école maternelle"
L’"école maternelle" remplace les "salles d’asile" qui accueillaient depuis 1830 les enfants âgés de 2 à 6 ans issus des classes populaires. Ces écoles bénéficient des méthodes pédagogiques de Marie Pape-Carpantier – qui restent toutefois très sévères. Ce n’est qu’en 1881, sous la Troisième République, que les écoles maternelles seront véritablement créées, sous l’impulsion de Jules Ferry.
20 décembre 1848 - Louis-Napoléon Bonaparte prête serment
Le 20 décembre 1848, soit 9 jours après son élection à la présidence de la République à une très large majorité (74 % des suffrages exprimés), Louis-Napoléon Bonaparte prête serment à la tribune de l’Assemblée nationale. Il jure de "rester fidèle à la République démocratique, une et indivisible, et de remplir tous les devoirs que (lui) impose la Constitution." Il s’installe ensuite au palais de l’Élysée. Il brisera son serment dès décembre 1851.
24 mars 1849 - Le Grand Dessein des Tuileries
Le Grand Dessein, projet qui consiste à relier les Tuileries au Louvre, est à nouveau d’actualité et son achèvement est voté sous Napoléon III. C’est Henri IV qui, le premier, entreprit de tels travaux en édifiant la Grande Galerie qui longe la Seine. De génération en génération, les Parisiens verront ainsi s’élever le Pavillon de Flore, l’aile Rohan, la Cour Napoléon et bien d’autres édifices. Mais le Grand Dessein partira en fumée, en même temps que le palais des Tuileries lors des événements de la Commune.
15 mars 1850 - La loi Falloux est votée
Promulguée sous l’impulsion d’Alfred de Falloux, alors ministre de l’Instruction publique, cette nouvelle loi instaure la liberté de l’enseignement secondaire. Elle fait la distinction entre l’enseignement public, à la charge d’une commune, d’un département ou de l’Etat, et l’enseignement privé, auquel est accordé une grande liberté. Par ailleurs, elle favorise l’enseignement catholique dans les établissements primaires et oblige les communes de plus de 800 habitants à ouvrir une école de filles. Contraire au principe de laïcité dans l’enseignement, cette loi sera finalement abrogée. En 1881 et 1882, les lois Ferry seront promulguées.
15 août 1851 - Une femme reçoit la Légion d’honneur
La Bretonne, Angélique Marie Duchemin, 79 ans, ancien soldat de la République, reçoit des mains de Louis-Napoléon Bonaparte, futur empereur Napoléon III, la Légion d’honneur. Elle est la première femme à recevoir cette décoration qui a été instituée par Napoléon Bonaparte en 1802 pour récompenser les hauts faits civils et militaires. Elle mourra aux Invalides en 1859.
2 décembre 1851 - Coup d’Etat de Louis-Napoléon Bonaparte
Trois ans seulement après son élection à la présidence de la République, Louis-Napoléon Bonaparte, soutenu par l’armée, organise un coup d’Etat. Il dissout l’Assemblée nationale et le gouvernement. Il prévoit l’organisation d’un référendum pour faire accepter par le peuple une nouvelle Constitution, qui restaure l’Empire. Il organise son putsch le 2 décembre et sera nommé empereur le 2 décembre 1852, en hommage du sacre de son oncle, Napoléon Bonaparte, en 1802.
4 décembre 1851 - Répression de Louis-Napoléon Bonaparte
Une insurrection populaire fait suite aux annonces de Louis-Napoléon Bonaparte. Le président y met fin dans le sang. A Paris, on déplore 400 morts parmi les insurgés. Plus de 25 000 personnes sont arrêtées par la police aux ordres du "président". L’insurrection des paysans en province est elle aussi écrasée dans le sang.
11 décembre 1851 - Victor Hugo s’exile en Belgique
Opposant virulent au coup d’Etat, républicain convaincu, Victor Hugo doit s’exiler en Belgique pour éviter d’être arrêté. Il passe la frontière grâce à un faux passeport. L’année suivante, il part pour l’île anglo-normande de Jersey, puis pour celle de Guernesey en 1855. Il ne revient en France qu’après la fin du Second Empire, en 1870. Pendant son exil, il ne cessera de rédiger des satires contre "Napoléon le petit".
22 janvier 1852 - Création de la Médaille militaire
Louis-Napoléon Bonaparte instaure la Médaille militaire pour récompenser les sous-officiers et les soldats pour leur ancienneté ou leurs états de service. Elle est également attribuée aux généraux qui ont mené les armes face à l’ennemi.
23 janvier 1852 - La famille d’Orléans est bannie de France
Louis-Napoléon Bonaparte demande la confiscation et la vente des biens de la famille d’Orléans, héritière légitime du trône de France. Les sommes récoltées lors de la vente sont reversées à des sociétés de secours mutuels, utilisées pour construire des logements ouvriers et par des établissements accordant des prêts fonciers. Hostiles à cette décision, plusieurs ministres quittent le cabinet.
17 février 1852 - Louis-Napoléon censure la presse
La liberté de la presse, accordée en 1848, se voit de nouveau restreinte par Louis-Napoléon Bonaparte. Les journaux n’ont plus le droit d’établir des comptes rendus des débats ayant eu lieu au sein de l’Assemblée nationale, et des procès. Seuls les procès-verbaux officiels peuvent être publiés. Les images sont soumises à la censure. Les organes de presse ne se conformant pas à ces mesures sont suspendus puis interdits en cas de récidive.
2 décembre 1852 - Restauration de l’Empire
Les Français sont de nouveau appelés à voter, cette fois-ci pour un plébiscite demandant leur avis sur la restauration de l’Empire. Le "oui" l’emporte, mais avec une forte abstention. Le 2 décembre, le Second Empire est donc proclamé, et Louis-Napoléon Bonaparte devient l’empereur Napoléon III.

XIXe siècle